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fonds d’or des fresques des byzantins, la disposition naïvement compliquée de leurs mosaïques, l’aspect rude et hautain de leurs personnages, l’uniformité de leurs symboles. À l’en croire, l’artiste qui veut, de nos jours, donner une véritable puissance à la peinture monumentale, doit lui appliquer avec discernement les procédés du bas-relief sculptural. « Il doit non-seulement renoncer aux grands effets de la perspective, mais encore sacrifier la saillie naturelle des corps représentés sur les premiers plans. Il faut qu’il sache manifester en quelque sorte l’idée toute pure à l’aide d’une composition simple et savante, qu’il subordonne enfin les effets de la couleur à ceux du dessin. »

Nous ne pouvons trop hautement condamner ce système, qui ne tend à rien moins qu’à annihiler la peinture, le premier des trois grands arts du dessin, celui qui doit parler à l’esprit de la façon la plus éclatante, au profit de l’architecture, cet art né du besoin et non du luxe. La peinture, c’est la vie humaine reproduite à l’aide de la forme et de la couleur. Se borner à en faire la reproduction de l’idée pure, comme le prétendent les artistes de l’Allemagne et M. Fortoul après eux, c’est l’assimiler à une sorte de langage hiéroglyphique, à une traduction froide et stérile de la pensée ; de cette traduction à la légende écrite, il n’y a qu’un pas, que d’abstraction en abstraction on aura bientôt franchi.

Avec cette façon de voir, il était encore naturel que M. Fortoul fît dater la décadence de la grande peinture du jour où les peintres de Sienne et Florence firent descendre leurs figures de ces ciels d’or qu’il regrette, pour les placer au milieu de fonds possibles et existans. C’est là une conséquence nécessaire de son système. M. Fortoul s’y montre constamment fidèle. S’il n’a que d’amères critiques, que des paroles de blâme pour ces peintres qui popularisèrent la peinture, qui d’un art mystique, réservé à un petit nombre d’initiés, en firent un art réel et humain, il applaudit en revanche, et sans restrictions, à ces essais incomplets de rénovation byzantine que tentent journellement les peintres de l’Allemagne. S’il a des mots d’éloge pour M. Henry Hess, c’est que ce peintre a décoré dans ce style bizarre l’église de tous les saints ; singulier monument d’une époque érudite et dénuée d’invention, dans l’ensemble duquel M. Klenze s’est appliqué à copier l’art byzantin avec la même exactitude qu’il avait mise à copier l’art antique dans le Valhalla.

Goethe appelle le zénith des arts le passage de la peinture hiératique et conventionnelle des Grecs du bas-empire à la peinture imi-