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C’est là, du reste, un défaut inhérent à ces sortes de peintures synoptiques et symboliques. Le dernier ouvrage de M. Delaroche, si remarquable sous tant de rapports, pourrait nous fournir plus d’une preuve concluante à l’appui de cette assertion. Le nombre de ceux qui ont compris dans toute son étendue la pensée du peintre est peut-être fort restreint.

M. Hippolyte Fortoul, tout en reconnaissant ces défauts de la nouvelle école germanique, dans le livre qu’il vient de publier sur l’Art en Allemagne[1], nous a paru beaucoup trop disposé à les excuser, et, disons plus, à les imiter. L’esthétique allemande a trouvé tout à la fois en lui un traducteur et un apôtre passionné. Le fond de ses théories, la forme audacieuse et parfois confuse dont il les revêt, l’enthousiasme qu’il affecte et dont il fait le bizarre auxiliaire de la critique, tout cela semble autant d’emprunts aux habitudes des théoriciens des écoles contemporaines, aux Rumorh, aux Boisserée, aux Dursch, aux Ottfried Müller. Ardent, comme les néophytes le sont toujours, M. Hippolyte Fortoul, dans l’exposition de ces doctrines nouvelles, s’est laissé trop souvent emporter à d’étranges écarts ; il a voulu ressembler aux maîtres, et comme eux il court le risque non-seulement de n’être pas compris, mais même de ne pouvoir lui-même se parfaitement comprendre. Nous le mettrions, par exemple, au défi de nous donner une explication satisfaisante de l’application de la formule ternaire théologique à l’histoire de l’art, dont il assure avoir fait la base de son système, application qu’il assure même avoir faite à l’ensemble de son livre, au fond duquel, assure-t-il, on doit la retrouver. Nous avons vainement cherché dans le livre de M. Fortoul quelque chose de semblable, nous n’y avons trouvé qu’une suite d’articles souvent intéressans, quelquefois singuliers, sur les sujets les plus divers : architecture, peinture, sculpture et musique ; art grec, italien, bysantin et allemand ; revue succincte des écoles, description de monumens, biographie des grands artistes, le tout souvent confus, chargé de répétitions, en un mot disposé sans méthode, et manquant absolument d’ensemble, quelque effort qu’ait pu faire M. Fortoul pour être méthodique, quelque prétention qu’il affecte à un grand ensemble. Nous nous occuperons, dans l’occasion, de quelques-unes de ces vues de détail de M. Fortoul ; revenons à notre sujet.

  1. De l’Art en Allemagne, par M. Hippolyte Fortoul ; 2 vol., Paris, 1842.