Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/928

Cette page a été validée par deux contributeurs.
918
REVUE DES DEUX MONDES.

peintres de la nouvelle école allemande. MM. Eberhard et Schraudolph l’ont reproduite à l’envi sur les fonds d’or de leurs tableaux à compartimens. D’autres, comme M. Eggers, s’efforcent de rendre à la figure du Christ ce caractère de rudesse hautaine et implacable que les Grecs lui avaient donné, et que Michel-Ange lui-même, tout en la matérialisant davantage, lui avait conservé.

Nous retrouvons également, dans les tableaux de ces peintres mystiques, la reproduction de la divinité telle que la comprenaient les artistes primitifs. C’est évidemment le Jupiter des Grecs qui a servi de premier modèle à cette image de Jéhovah. Sa barbe est noire et frisée, ses yeux sont fixes et pénétrans ; son front a toute la majestueuse sérénité de celui du dieu d’Olympie. Des anges aux ailes d’épervier, bleues ou pourpres, se détachent sur le ciel d’or de ces tableaux. L’image de l’homme y est toujours rude, grossière, écrasée. Chez ceux-là, l’imitation est excessive et tend au pastiche.

D’autres enfin, comme les maîtres des grandes écoles de Munich, de Dresde, de Berlin et de Francfort, Owerbeck, Hess, Schadow, Veit et Vogel, ont modifié ce qu’un semblable mode d’imitation avait de trop absolu. Ils ont gardé le sentiment byzantin qu’ils se sont efforcés d’allier aux formes plus sveltes et plus délicates des premières écoles italiennes. Leurs anges, leurs saints, leurs martyrs et leurs vierges ont ces formes grêles, élancées et presque diaphanes, cette maigreur ascétique, cette expression souriante et réfléchie, parfois même extatique, que Raphaël remplaça par la plus haute perfection de la forme, par la grace angélique, par l’irréprochable beauté.

Nous nous croyons tout-à-fait exempt d’influence et de préjugés d’école. Le seul culte que nous professions, c’est celui de la nature et du beau ; nous ne pouvons donc que nous élever, au nom des immuables principes, contre cette exaltation d’un art, altération de l’art véritable. Encore une fois, nous croyons que c’est plutôt par amour de la singularité, par erreur ou caprice de jugement, par corruption du sentiment et du goût, que par conviction et sincérité, que tant de gens de talent, artistes ou critiques, en sont venus à proclamer, les uns par leurs écrits, les autres par leurs tentatives de résurrection plutôt que de renaissance, que le beau, le grand, le vrai, résidaient surtout dans les œuvres de ces artistes des premières époques de l’art moderne.

Remarquons, en passant, que ces caprices d’archaïsme n’appar-