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qui n’a jamais rien appris, rien étudié, rien lu, une analogie mystérieuse avec les systèmes numériques des temps primitifs, avec ces nombres sacrés qu’on rencontre si souvent au livre de Moïse, 3, 7, 40, par exemple, et dont les prophètes se servent dans leurs combinaisons fatidiques, Daniel, entre autres, dans son ère mystique des soixante-dix semaines ? Et sans parler ici des traditions génésiaques, toutes pleines de cette langue intérieure, algébrique, qui se retrouve en partie chez les visionnaires, comment ne pas être frappé des rapports presque immédiats qui existent entre cette mystique et les systèmes de Pythagore et de Platon ? « L’ame est immortelle, dit Platon, et elle a un principe arithmétique, de même que le corps un principe géométrique. » Ainsi, d’après Platon, la connaissance des nombres est indispensable à la recherche du bon et du beau. Heureux, selon lui, l’homme qui comprend les nombres et reconnaît l’influence toute puissante du pair et de l’impair sur la production et les forces des êtres ! — Sans ce présent de la Divinité, dit-il, on ne connaît ni la nature humaine, ni ce qu’elle a de divin et de périssable, ni la vraie religion. Les nombres sont les causes de l’harmonie du monde et de la production de toutes choses. Celui que son nombre abandonne perd toute communauté avec le bien et devient la proie des anomalies. — Et voilà presque mot pour mot le texte de notre visionnaire, qui n’a pas même de sa vie entendu prononcer le nom du philosophe grec. La doctrine pythagoricienne donne les nombres pour alimens à toute chose, à toute science ; Pythagore applique les nombres au monde invisible et dénoue par là plus d’une énigme impénétrable à l’arithmétique moderne. Qu’on essaie aussi de comparer à ses théories les révélations de Frédérique. »

La plupart des illuminés ont pressenti cette loi mystique des nombres dans la nature. Les nombres, dit Saint-Martin, ne sont que la traduction des vérités dont le texte fondamental repose en Dieu, dans l’homme et dans la nature. Et Novalis : « Il est plus que vraisemblable qu’il y a dans la nature une mystique des nombres ; tout n’est-il pas rempli d’ordre, de symétrie, de rapport et de connexion ? »

Autre part Kerner voit dans ce travail de l’état magnétique un effort pour retrouver la langue primitive, cette langue dont notre ame aurait désormais perdu le secret :

« L’Orient est le berceau de l’humanité ; les langues qu’on y parle sont les restes plus ou moins corrompus et tronqués de la langue originelle de l’homme déchu. Quelle autre explication donner à ces mots hébreux et chaldéens balbutiés par la visionnaire en extase ? « Notre langage moderne, sonore, mais de peu d’expression, disait une autre somnambule, est impuissant à traduire les sensations de l’être intérieur. » Ainsi, jamais vous ne verrez un individu, en état de catalepsie, se servir de titres conventionnels et de certaines formules en usage dans le monde, dire vous, par exemple, à qui que