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« Maint courtisan pourtant travaille à faire avorter le stratagème, mais Konrad alors : — Une parole impériale ne souffre interprétation ni commentaire. Ah ! bravo ! s’écrie-t-il, bravo ! Plût à Dieu que notre femme en fît autant.

« Le pardon suivit, puis un banquet qu’il donna en l’honneur des belles ; on dansa au bruit des fanfares, on dansa avec toutes, avec la dame châtelaine comme avec la plus humble fille.

« Eh ! dites-moi donc où est Weinsberg, la vaillante petite ville, la ville fidèle, avisée et pieuse, qui berça tant de fillettes et de femmes ? car, moi, si jamais je me fiance, je veux me fiancer à Weinsberg. »

Cette tour, rendue populaire en Allemagne par Bürger, doit sa récente illustration à la présence d’un autre poète de renom, au célèbre docteur Justin Kerner, qui est venu avec sa famille établir au pied son ermitage. Il s’agissait de restaurer cette ruine nationale, et voici de quelle manière on s’y prit pour s’en procurer les moyens. De petites pierres jaspées, provenant des murailles de la Weibertreue, furent montées en bagues et vendues partout dans le pays. Avec quel empressement les dames et les jeunes filles allemandes recherchèrent ces précieuses reliques, on le devine. Il y avait émulation et fierté, dans chacune d’elles, à contribuer pour sa part à relever ce monument dont le nom seul était un hommage rendu au sexe, à intervenir pour la durée de ce compliment séculaire taillé dans le granit. En peu de temps on eut rassemblé une assez forte somme dont la direction fut confiée à Kerner, qui l’employa à rendre la ruine abordable par toute sorte de petits sentiers semés de gazons verts, à ménager d’agréables ombrages sous de fraîches et odorantes plantations ; que sais-je ? à augmenter encore le pittoresque des lieux, le romantisme du paysage, par des jeux de harpes éoliennes.

Mais nous n’y sommes pas encore. À peine arrivons-nous au point d’où le regard distingue pour la première fois la Weibertreue. D’ici à la tour, il nous reste une bonne distance à parcourir, d’abord en descendant, puis en suivant la plaine jusqu’à ce que nous découvrions à droite, au pied même de la ruine, la petite ville de Weinsberg qui se tenait cachée derrière la montagne. Weinsberg n’offre rien qui soit digne d’être remarqué. Qu’on se figure des rues étroites et tortueuses serpentant sur le dernier versant du coteau, une place en escarpement qui sert de marché, et régnant sur le tout, au point culminant de cet amphithéâtre, l’église. Aujourd’hui, jour de vendanges, les rues deviennent impraticables, grace à l’encombrement des cuves placées devant chaque maison pour recevoir les raisins