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nombreuse qui regagne ses toits à la lueur des torches, aux sons des instrumens. Cependant, dès l’après-midi, la vaste salle d’une tente dressée à cette occasion s’est emplie de monde ; bientôt la musique s’organise, et les danses vont leur train : fête de tous les jours incessamment renouvelée, à laquelle prennent part, avec les belles jeunes filles de la ville et de la contrée, les jeunes marchands de l’industrieuse Heilbronn, les officiers de la garnison, les étudians en vacances, et bon nombre de désœuvrés de tous les pays qui sont venus passer l’automne dans sa résidence de prédilection.

Après vous être attardé quelque temps au sein de cette mêlée tumultueuse, continuez votre chemin, allez jusqu’à Weinsberg. Weinsberg est situé à deux petites lieues au-dessus de Heilbronn. Là encore, vous vous trouvez au milieu des vendanges, mais sur un théâtre moins étendu. La ville est beaucoup plus petite, le nombre des riches propriétaires qui donnent des fêtes à cette époque de l’année plus restreint, et partant le concours des étrangers peu remarquable. Traversez une partie de la magnifique allée de marronniers qui embrasse Heilbronn du côté du midi, longez une double haie d’agréables jardins plantés aux portes de la ville, saluez en passant le vieux cimetière dont les croix funèbres et les urnes sépulcrales projettent leur ombre mélancolique sur toute cette végétation luxuriante, et vous arrivez, après une demi-heure de marche dans la plus admirable plaine qui se puisse voir, vous arrivez à un endroit où le chemin commence à monter entre deux côteaux. Au terme de cette route est un sentier de traverse unissant deux collines qui se fondent l’une dans l’autre ; de là vous apercevez la hauteur ; encore quelques pas, et vous embrassez du regard la délicieuse vallée de Weinsberg. Maintenant, quelles mélodieuses bouffées s’élèvent de ce ravin à gauche ! Écoutez ces mille oiseaux jaseurs qui gazouillent dans les arbres, aux derniers rayons du soleil couchant ; aimable musique, salut précurseur, voix de l’hospitalité cordiale qui vous attend en bas. De là vous plongez dans la Souabe ; de là vous découvrez, si le ciel est clair, tout ce magnifique pays du Neckar et des Hohenstaufen, toute cette noble terre de l’épopée et du lyrisme germanique. À vos pieds, çà et là, se déroulent bien quelques vertes prairies, ondulent quelques frais jardins ; mais autour de vous, sur les coteaux, aussi loin que votre regard perce, tout est vigne : des raisins, puis des raisins encore. Le premier éblouissement du paysage une fois dissipé, regardez devant vous, là, tout juste vis-à-vis, sur cette hauteur isolée, si couverte de pampres que le