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questions de fait, ne sont que des jurés. Que l’Autriche ait accepté l’article, nous le concevons. Il n’est pas directement contraire à ses lois. Mais nous !

Au reste, sans vouloir revenir ici sur ce que M. le ministre des affaires étrangères vient de dire à la tribune, nous croyons que les modifications n’ont pas été admises, plus encore par un sentiment de dignité ou de déplaisir que par des objections sérieuses qu’on eût à leur opposer. Au fait, ces modifications n’ont pas été discutées. On a ratifié, en laissant pour la France le protocole ouvert.

Si ces faits sont exacts, les conséquences en sont, ce nous semble, évidentes. Le protocole pouvait être laissé ouvert à la demande de la France, ou par une résolution que la France n’avait point provoquée.

Dans le premier cas, et ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées, la France aurait, je ne dis pas pris l’engagement, mais donné l’espérance de ratifier plus tard.

Dans le second cas, la ratification n’est-elle pas devenue moralement impossible ? Le traité se trouve parfait et ratifié à quatre. Que ferait la France en venant ratifier après coup ? Quel rôle jouerait-elle ? Le rôle d’une puissance secondaire, qui adhère post factum aux conventions que les grandes puissances ont conclues ; le rôle de la Toscane, de la Sardaigne, du Danemark, adhérant aux stipulations de 1833 !

Il n’y avait qu’un moyen de rendre possible la ratification de la France : c’était de suspendre la conclusion de l’affaire et de faire subir au traité une révision dont il est facile de voir qu’il a besoin, indépendamment de toute considération politique.

Ajoutons que, sans la ratification de la France, le but du traité est manqué. Que voulait-on avant tout ? Se présenter aux États-Unis avec un traité européen, leur montrer l’Europe réunie dans un faisceau, leur imposer en quelque sorte, par une contrainte morale, un arrêt de la civilisation européenne. C’est uniquement dans ce but qu’on a mis de l’importance à obtenir la signature de la Prusse et de l’Autriche. Le faisceau n’existe pas sans la France. Les États-Unis ne sont plus dans la nécessité de refuser des mesures sanctionnées par l’Europe entière.

La situation de nos colonies attire fortement l’attention de nos hommes d’état. Les questions les plus graves à leur égard sont débattues dans ce moment. La question des sucres est sur le point d’être résolue dans le conseil supérieur du commerce, et le gouvernement en saisira sous peu la chambre des députés. À la chambre des pairs, on discutera bientôt un projet de loi ayant pour but d’introduire dans nos colonies d’Amérique nos lois sur le régime hypothécaire et sur l’expropriation forcée. L’absence de ces lois a jeté le désordre dans la propriété coloniale. L’action des créanciers se trouve paralysée, et par cela même les colons manquent à la fois de capitaux et de crédit. Tout languit, et les débiteurs ne profitent de la dangereuse sécurité qu’on leur a faite qu’au détriment des colons intelligens et solvables, de ceux