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C’est là la vérité, et cette conduite est habile ; elle résume implicitement toute la politique extérieure de l’Angleterre.

Que veut le gouvernement anglais à l’extérieur ? Que dans tel ou tel pays le pouvoir appartienne plutôt à un parti qu’à un autre, et cela pour y faire prévaloir ses principes, ses doctrines, des systèmes analogues aux idées et aux institutions de l’Angleterre ? Nullement. L’Angleterre ne se préoccupe pas de ces spéculations, aucun parti ne s’y intéresse. Les tories comme les radicaux trouvent que, pour les étrangers, tous les gouvernemens sont assez bons, pourvu qu’ils soient pleins d’égards et de déférence pour les Anglais. Sur ce point, et c’est là un grand point, il n’y a pas de divisions de parti en Angleterre ; sur ce sujet, les opinions sont unanimes. Ce que l’Angleterre veut à l’extérieur, ce qu’elle veut toujours, quel que soit le parti qui gouverne chez elle, c’est de l’influence, et encore de l’influence, et toujours de l’influence. Les amis de l’Angleterre sont tous ceux qui acceptent l’influence anglaise ; ses ennemis sont ceux qui la repoussent. Que lui importent la forme de gouvernement, les tendances morales, les doctrines politiques des pays étrangers ? Là n’est pas pour elle la question. Renfermée dans son île, forte de ses vieilles institutions, de ses profondes habitudes, de ses longues traditions, elle ne redoute ni contagion ni contre-coups. Que des orages éclatent à l’étranger, ils se brisent aux rivages britanniques, et, dans leur sécurité, les Anglais en perçoivent à peine le bruit. Encore une fois, pour l’Angleterre, les révolutions et les contre-révolutions, les monarchies et les républiques, l’aristocratie et la démocratie, sont, à l’étranger, également bonnes, également légitimes et dignes d’intérêt, si l’Angleterre n’a rien à en craindre pour son commerce, si elle peut, au contraire, beaucoup en attendre pour son influence.

Certes, à ne considérer les choses qu’au point de vue politique, c’est là une conduite dont le principe est aussi net que les résultats en sont admirables. Elle a l’avantage d’être à fois simple, claire pour tout le monde et toujours nationale. Le pays, sur les questions étrangères, est toujours de l’avis de son gouvernement, parce qu’il sait que le gouvernement n’a qu’un but, que ce but est toujours le même pour toutes les administrations, quelles que soient d’ailleurs leurs nuances politiques. Le pays sait que tout ministère a pour devise, à l’égard des gouvernemens étrangers, ces paroles : Quels que soient votre nom et votre forme, soyez Anglais, et l’Angleterre est pour vous ; si au contraire notre influence vous déplaît, si vos tendances nous sont contraires, nous prendrons parti contre vous, et nous n’épargnerons rien de ce qui peut vous nuire et vous renverser.

Répétons-le : c’est là une politique que le moraliste peut blâmer, mais qui n’est pas moins simple, claire, toujours nationale, une politique qui a même le mérite de la franchise, car en réalité elle ne peut tromper que des aveugles.

Notre politique est bien autrement variée dans ses élémens et compliquée dans ses directions, car nous nous proposons toujours, au sujet de la poli-