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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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28 février 1842.


La contre-révolution s’est accomplie en Portugal avec une facilité merveilleuse. C’est une comédie qui a été jouée promptement et sans trop de bruit. Les spectateurs ont fini par se mêler aux acteurs. On ne savait plus quels étaient ceux qui s’étaient chargés de donner au public cette représentation improvisée. Le public proprement dit paraît au reste n’y avoir pris qu’un très médiocre intérêt. Il semblait dire à cette poignée d’hommes qui s’agitaient devant lui : Que m’importe que vous vous appeliez constitutionnels ou chartistes ? En effet, tous ces systèmes politiques n’ont guère de racines dans le pays, pas plus les imitations de la constitution espagnole que la charte que don Pedro imagina de prendre dans un livre qu’il serait facile de citer. L’éducation politique du pays n’est pas encore formée, mais à chaque commotion elle fait quelque progrès. Ces crises ne donnent au pays ni force ni bien-être ; mais toute commotion fait jaillir la lumière et ouvre une issue à la pensée. En attendant, les destinées politiques du Portugal dépendent de l’armée et de la population de Lisbonne. Celui qui parvient à s’emparer de l’un ou de l’autre de ces deux leviers renverse l’édifice récemment établi, mais il peut d’un jour à l’autre voir renverser avec la même facilité l’édifice qu’il vient d’élever.

La contre-révolution portugaise est un sujet d’alarmes pour le gouvernement espagnol. Nous n’en sommes pas surpris. Il a pu croire en effet que l’intrigue de Lisbonne était comme le préliminaire d’une contre-révolution à Madrid. Les affinités qui existent entre les deux peuples sont si nombreuses et si intimes, qu’un changement politique ne peut se réaliser dans l’un sans que l’autre s’en ressente, sans qu’il en conçoive des espérances et des craintes.