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LETTRES DE CHINE.

merce, et on avouera que son étonnement n’était pas sans quelque raison. Mais Lin ne connaissait pas les relations des nations européennes entre elles. Il ne savait pas que le blocus est un acte de force plutôt que de justice, et qu’il n’est respecté par les nations neutres que parce qu’il y aurait plus de danger à y faire infraction qu’il n’y a de dommage à s’y soumettre.

Au commencement de juin, les Chinois firent une nouvelle tentative pour brûler les navires marchands à l’ancre à Cam-sing-moon ; mais cette tentative, comme toutes les autres, se borna à de grandes dépenses en poudre et en embarcations, et ne causa aucun dommage aux navires anglais.

Nous voici arrivés, monsieur, à une des plus importantes péripéties de la grande question qui nous occupe. Dorénavant nous n’aurons plus à discuter des actes isolés dont la responsabilité ne retombe que sur un ou deux individus. Le gouvernement anglais et la cour céleste vont se trouver en présence. La première expédition anglaise, préparée, depuis quatre mois, à Calcutta, à Bombay et dans les autres ports de l’Inde, arriva successivement à Macao du 18 au 25 juin. Dès le 22 juin, sir Gordon Bremer annonça officiellement que le blocus de la rivière de Canton, dans toutes ses entrées, commencerait le 26 juin. Désormais l’attente des négociations qui vont s’ouvrir, le bruit du canon et des forts qui s’écroulent, vont étouffer la voix de tous ces intérêts particuliers dont je vous ai péniblement retracé dans cette lettre les exigences et les susceptibilités. La scène va s’agrandir. Nous allons voir la civilisation européenne aux prises avec la civilisation chinoise, et luttant avec elle d’habileté et de forces. Ce sera, je vous l’assure, un curieux spectacle, et quand vous vous serez bien convaincu de la nullité des résultats obtenus en Chine par l’Angleterre pendant l’année qui vient de s’écouler, vous comprendrez combien il est difficile de trouver un dénouement à la question anglo-chinoise et de fixer des limites aux conséquences commerciales et politiques qu’elle doit amener.


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Macao, 10 septembre 1841.