Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.



HORACE.

Un membre très savant et très diffus de l’Institut de France, un de ces érudits malheureux qui n’ont pas eu le temps de mettre dans leur style cette élégance qui fait pardonner toutes choses, même la science mal digérée, M. Walckenaër, s’est attaché, dans sa vie, à persécuter d’une indigeste biographie le plus aimable poète de l’antiquité, Quintus Horatius Flaccus[1], et le plus charmant poète des temps modernes, Jean de La Fontaine. Certes, si deux hommes de génie devaient se croire à l’abri des annotateurs, des commentateurs et surtout des biographes, c’étaient ces deux poètes-là : Horace, La Fontaine ; deux rêveurs, deux inspirés qui attendaient l’inspiration quand elle voulait venir, deux vagabonds indomptables, indomptés, à ce point que celui-ci refusa d’être le secrétaire intime de l’empereur Auguste, pendant que celui-là n’eut rien de plus pressé que de célébrer le surintendant Fouquet tombé dans la disgrace du roi Louis XIV. Quoi donc ! les cribler de toutes sortes d’explications sans fin et sans cesse, ces deux hommes, l’honneur de la poésie, de la sagesse humaine et du beau langage ! quoi donc ! étouffer toutes ces fleurs charmantes et doucement écloses sous ce lourd attirail ! perdre sa vie à commenter péniblement les excellentes merveilles de deux nobles esprits, quand on pouvait passer sa vie à les lire, à les aimer, à les comprendre… certes voilà, à notre sens, un grand dommage.

  1. Vie et poésies d’Horace, par M. Walckenaër.