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LETTRES DE CHINE.

duquel est Pékin. Ainsi finit le premier acte d’un drame dont personne, jusqu’à ce jour, ne peut deviner le dénouement.

Avant d’aller plus loin, il n’est peut-être pas inutile de placer ici quelques observations sur le refus du gouvernement anglais de ratifier les dispositions prises par le capitaine Elliot, lors de la livraison faite à cet agent des 20,283 caisses d’opium. La question peut être considérée sous deux points de vue. Le gouvernement anglais est-il responsable des actes de son agent ? M. Elliot tenait son autorité directement du gouvernement anglais ; il était surintendant du commerce britannique en Chine, ce qui équivalait à peu près au titre de consul-général. Les sujets anglais lui devaient-ils obéissance dans une circonstance qui intéressait si hautement toute la communauté ? En répondant affirmativement à ces deux questions, on pourrait regarder la responsabilité du gouvernement anglais comme compromise ; le capitaine Elliot avait exigé la livraison de tout l’opium existant à Canton, il avait demandé cet opium pour le service de sa majesté britannique, et comme devant être remis au gouvernement chinois. L’honneur du gouvernement anglais paraîtrait intéressé au paiement de la dette contractée en son nom par le surintendant anglais. Mais, si l’on considère que le commerce d’opium est un commerce de contrebande, toujours exposé à mille dangers, dont le plus imminent est la saisie de la marchandise ; que, dans un trafic de cette nature, toutes les chances doivent être habilement calculées ; qu’en payant les traites émises par le capitaine Elliot, le gouvernement anglais semblerait admettre qu’il considère le commerce d’opium comme un commerce légal, et qu’en suivant une pareille marche, il serait difficile de calculer jusqu’où pourrait s’étendre la responsabilité qu’il assumerait ; si on considère, en outre, que chacun, dans cette occasion, a dû faire un sacrifice pour sauver sa vie, qu’il croyait menacée ; que, si la perte a été plus forte pour quelques négocians anglais que pour d’autres, c’est qu’ils étaient engagés plus avant dans un commerce condamné par les lois du céleste empire, alors on retombe dans le doute. Les propriétaires de l’opium saisi objectent, pour leur défense, que cette marchandise leur avait été livrée par la compagnie des Indes, qui en a le monopole ; que la compagnie connaît parfaitement la nature du commerce de l’opium, et l’usage auquel l’opium vendu par elle est destiné, que ce commerce a été sanctionné par des discussions au parlement. Il reste à décider d’abord jusqu’à quel point la compagnie est responsable des marchandises vendues et livrées par elle à Calcutta et à Bombay, si sa responsabilité ne s’arrête pas à la livraison, et ensuite si le gouvernement anglais est réellement engagé par les actes commerciaux de la compagnie des Indes.

Le commerce de l’opium présente un autre argument en sa faveur, et prétend que le gouvernement anglais, ayant approuvé la conduite du capitaine Elliot, ne peut refuser sa sanction aux billets tirés par cet agent. Pour moi, je pense que le cabinet britannique peut avoir donné son approbation à la conduite politique du capitaine Elliot, et qu’il peut même avoir reconnu bonne la