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vis-à-vis est son mari ; cet homme que l’Europe estime, en qui sa patrie espère, et qu’elle vient de trahir. Ce tableau remue un instant Sampiero ; le feu de la compassion et de la tendresse semble se ranimer en lui. Le sommeil est l’image de l’innocence ! Vannina se réveille ; elle croit voir de l’émotion sur la physionomie de son mari ; elle se précipite à ses pieds : elle est repoussée avec effroi… Madame, lui dit avec dureté Sampiero, entre le crime et l’opprobre il n’est de milieu que la mort !… L’infortunée et criminelle Vannina tombe sans connaissance. Les horreurs de la mort s’emparent, à son réveil, de son imagination : elle prend ses enfans dans ses bras. Soyez mes intercesseurs ; je veux la vie pour votre bien. Je ne me suis rendue criminelle que pour l’amour de vous !

« Le jeune Alphonse va alors se jeter dans les bras de son père, le prend par la main, l’entraîne auprès de sa mère, et là, embrassant ses genoux, il les baigne de larmes et n’a que la force de lui montrer du geste Vannina, qui, tremblante, égarée, retrouve cependant sa fierté à la vue de son mari, et lui dit avec courage : Sampiero, le jour où je m’unis à vous, vous jurâtes de protéger ma faiblesse et de guider mes jeunes années ; pourriez-vous souffrir aujourd’hui que de vils esclaves souillassent votre épouse ? Et puisqu’il ne me reste plus que la mort pour refuge contre l’opprobre, la mort ne doit pas être plus avilissante que l’opprobre même… Oui, monsieur, je meurs avec joie. Vos enfans auront pour les élever l’exemple de votre vie et l’horrible catastrophe de leur mère ; mais Vannina qui ne vous fut pas toujours si odieuse, mais votre épouse mourante ne demande de vous qu’une grace, c’est de mourir de votre main !… La fermeté que Vannina mit dans ce discours frappa Sampiero, sans aller jusqu’au cœur. La compassion et la tendresse qu’elle eût dû exciter trouvèrent une ame fermée désormais à la vie de sentiment… Vannina mourut… elle mourut par les mains de Sampiero. »


Outre l’Histoire de Corse, Napoléon rédigea plusieurs autres écrits qui montrent combien son pays natal l’occupait alors : des projets fort développés pour la défense de Saint-Florent, de la Mortella et du golfe d’Ajaccio, un rapport sur la nécessité de se rendre maître des îles de la Madeleine, un plan pour l’organisation des milices corses, et beaucoup d’autres pièces de la même nature. L’étendue et le nombre de ces documens prouvent que Napoléon ne songeait alors qu’à la Corse, et qu’il se préparait à y jouer un jour le rôle de Paoli. Il ne manque jamais, dans ses écrits, de saisir l’occasion