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ragement, les impressions de sa jeunesse ? Ce sont-là autant de questions qui paraissent insolubles, et que, cependant, on peut aborder aujourd’hui, grace à la prévoyance de Napoléon lui-même, qui a voulu conserver tout ce qu’il avait pensé et écrit alors, et grace à un concours extraordinaire d’heureuses circonstances qui ont préservé ces précieux documens de mille chances de destruction. Voici par quels moyens ils sont arrivés jusqu’à nous.

À l’époque du consulat, Napoléon, qui se voyait déjà dans l’histoire, comme il l’a dit plus tard à Sainte-Hélène, songea à mettre en sûreté tous les papiers de sa première jeunesse. Il les plaça donc dans un grand carton de ministère, qui portait cette étiquette : Correspondance avec le premier consul ; il la biffa, et il écrivit de sa main : À remettre au cardinal Fesch seul. Cette boîte, ficelée et cachetée aux armes du cardinal Fesch, traversa, sans être jamais ouverte, l’empire et la restauration ; ensuite, toujours cachetée, elle passa par différentes mains, et il y a très peu de temps qu’on a su ce qu’elle contenait. Rien n’a été distrait, et nous la possédons actuellement avec toutes les pièces que primitivement Napoléon y avait renfermées.

Ces papiers se partagent naturellement en deux classes : la première contient la correspondance et les détails biographiques, et dans la seconde se trouvent les ouvrages originaux de Napoléon, les pensées, les notes et les extraits tirés de différens ouvrages.

Toutes ces pièces sont autographes, ou du moins ce sont des copies corrigées et annotées par l’auteur. Pour donner une idée du nombre de ces documens, il suffira de dire que, sans compter les copies, ni une foule de pièces détachées, il y a dans ce carton trente-huit gros cahiers écrits entièrement de la main de Napoléon. La plupart de ces cahiers sont datés : c’est tout ce que Napoléon a écrit depuis l’année 1786 jusqu’en 1793.

Si l’on voulait aborder la biographie de Napoléon, il serait facile, à l’aide de ces documens, de rétablir un grand nombre de faits qui, jusqu’à ce jour, ont été indiqués d’une manière inexacte ou incomplète. On serait surtout aidé dans ce travail par un cahier que Napoléon a intitulé : Époques de ma vie, et où il a enregistré de sa main une foule de dates et de faits relatifs à sa première jeunesse. Il suffira d’en citer un seul qui ne paraît pas avoir été connu des historiens : c’est qu’en 1791 Napoléon recevait une pension du roi. Nous ne voulons pas nous arrêter ici à ces pièces anecdotiques : cependant il est impossible de ne pas mentionner le brevet de capitaine de Napo-