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menses. C’est ainsi que le comprit Louis XIV, lorsqu’il prononça ces paroles célèbres : L’état, c’est moi. Les magistrats de la chambre des requêtes et autres voulaient que l’état ce fût eux. Le jeune roi, qui n’entendait pas abdiquer au profit des parlementaires, retira vivement à lui les rênes du gouvernement qu’on voulait lui enlever, et ce fut heureux pour la France. Sans cela, au lieu de cet admirable siècle de Louis XIV, le plus glorieux de nos annales, nous aurions eu une queue de la fronde indéfiniment prolongée. L’opinion que ces paroles de Louis XIV étaient le manifeste du despotisme le plus effréné, ne s’est accréditée que par une confusion de langage. Elles durent paraître au contraire parfaitement naturelles à cette époque, parce qu’elles exprimaient une des maximes fondamentales du régime monarchique, qui n’était alors contesté par personne. L’esprit de nos aïeux, c’était alors le temps de Pascal, de Bossuet, de Corneille et de Racine, n’en fut aucunement révolté, parce qu’ils étaient monarchiques, c’est-à-dire qu’ils considéraient le roi comme personnifiant en lui la patrie, comme étant le symbole animé des droits et des devoirs de chacun. Voilà ce qu’ils aimaient, ce qu’ils honoraient dans le roi, ce qui les rendait empressés à rechercher en lui les moindres germes de vertu pour les développer, pour les recommander à l’affection et à la reconnaissance des populations. C’était une fiction, soit ; mais chaque régime a les siennes. La république a celle de la souveraineté populaire, à laquelle on croit sans bien savoir où elle réside, et devant laquelle on se prosterne sans jamais la voir.

Puisque je suis à cette rectification d’un mot historique, de la réhabilitation duquel je n’entends d’ailleurs tirer ici aucune conséquence, je la compléterai par des paroles de Napoléon.

Napoléon qui, au milieu de l’engouement universel du siècle pour les idées directement ou indirectement révolutionnaires, eut le mérite de dégager de tout alliage les idées de gouvernement, Napoléon, qui aurait eu la gloire de clore l’abîme des bouleversemens et de réaliser une œuvre tout entière à accomplir aujourd’hui encore, celle de relever le principe d’autorité, s’il n’eût été entraîné par les nécessités de la guerre, Napoléon envoya d’Espagne au Moniteur un article où il exposait, en termes moins sommaires et plus explicites, une théorie qui est au fond la même que celle de Louis XIV et de mon hôtesse de Carlsbad. Cet article, provoqué par des paroles échappées à Joséphine dans une réception officielle des membres du corps législatif, commençait en ces termes :