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saisit un vase par les anses. Mais de nos jours, depuis l’invention de l’imprimerie, depuis que la lumière fut, ainsi qu’on l’a gravé sur la statue de Guttenberg, depuis que le christianisme a mis la raison à une diète où elle s’est fortifiée, de pareils moyens sont réprouvés et ne sauraient avoir qu’un succès passager. Les jésuites, en cette circonstance, ont péché par où ils s’abusèrent souvent et par où ils ont péri. Cet ordre, éminent cependant par son intelligence, n’a jamais eu conscience des modifications qui devaient s’introduire dans les méthodes de gouvernement par l’effet des changemens introduits dans la condition intellectuelle et matérielle des peuples, à la faveur même du christianisme. Ils n’ont jamais paru soupçonner le relief que le dogme chrétien donnait au libre arbitre et à la dignité de l’homme. Complices et peut-être instigateurs d’une erreur à laquelle, en ces derniers siècles, la hiérarchie catholique a semblé souvent s’abandonner presque tout entière, ils n’ont jamais aperçu du dogme chrétien que l’influence acquise sous ses auspices au principe d’autorité, influence immense et salutaire, qu’on ne saurait pourtant séparer de l’essor par lui imprimé à la personnalité humaine, au principe de la liberté ; ils ne distinguèrent dans le christianisme qu’une loi de soumission ; ils voulurent de la foi faire la prostration de l’ame, de l’humilité l’humiliation. Une fois hors de la voie, l’orgueil et l’ambition s’en mêlèrent. Ils prirent l’espèce humaine en mépris ; ils eurent la pensée qu’on pouvait la conduire comme les enfans par des mensonges et la tenir en laisse comme un esclave, qu’on le devait peut-être pour son bonheur, car la vanité se fait sérieusement des illusions semblables. Ligués avec les cours, ils donnèrent une interprétation monstrueuse du rendez à César, en supprimant le rendez à Dieu, ajouté par le divin maître. On sait la fin. Malgré une capacité incontestable, ils sont tombés dans le gouffre que la Providence vengeresse tient constamment ouvert sous les pas des orgueilleux et des ambitieux. Grande leçon qu’il n’est pas hors de propos de rappeler aux hommes du XIXe siècle !

Peu de villes offrent autant de souvenirs de la France et particulièrement de la royauté française. Je ne rappellerai pas ici Chevert, ni le maréchal de Belle-Isle, avec sa retraite justement comparée à celle des dix mille, c’est à la royauté que je pense ici. Sur ce sol monarchique, c’est vers elle naturellement que se porte la pensée. Prague dut sa splendeur à Charles IV, dont tout ici, les monumens et les hommes, répètent la louange, et Charles IV était le fils d’un roi, noble allié de la France, qui se fit tuer pour elle dans la lamen-