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LA MONARCHIE AUTRICHIENNE.

l’agriculture, Leipsig possède une école d’industrie commerciale qui est en première ligne parmi les établissemens analogues. À Leipsig, j’ai été frappé du soin qu’on a mis, dans l’organisation de l’instruction publique de la ville, à assimiler hiérarchiquement les divers degrés de l’éducation industrielle à autant de degrés de l’éducation littéraire. Sur tous les programmes publics, ce parallélisme est indiqué scrupuleusement. Ainsi, dans ce pays de la modestie par excellence, on a jugé indispensable de faire la part de l’amour-propre des familles. On a senti que, si l’enseignement professionnel n’était pas honorifiquement au niveau de l’enseignement classique, les parens n’en voudraient pas pour leurs enfans. En France, où la vanité occupe une si large place, dans les faibles essais d’instruction industrielle qu’on a tentés, on n’a pas eu l’idée de lui donner quelque satisfaction. N’est-ce pas comme si l’on se fût proposé d’écarter de l’instruction industrielle les jeunes gens appartenant à des familles un peu aisées ?

Leipzig qui, à des titres différens, est une capitale aussi bien que Dresde, jouit d’une grande prospérité. Peu de villes d’Europe ont accompli des progrès pareils depuis la paix. À l’époque où s’y livra la terrible bataille qui fit verser des larmes à tant de familles en Europe et qui fut si cruelle pour nous, on y comptait 28,000 habitans ; elle en a aujourd’hui 52,000. Cette population est beaucoup plus aisée que celle des montagnes. Leipzig a toujours été un grand marché, un marché européen ; sa foire a une célébrité universelle, c’est un rendez-vous général. De tout temps, les produits du nord de l’Europe, les pelleteries, par exemple, s’y sont échangés contre ceux du midi. Les marchands orientaux venaient et viennent encore s’y approvisionner des produits de l’industrie occidentale. Aujourd’hui Leipzig est de plus la métropole commerciale de l’association des douanes prussiennes, c’est l’entrepôt permanent des objets manufacturés, que fabriquent 26,000,000 d’Allemands. Leipzig est aussi le premier centre de librairie de l’univers entier ; tous les libraires allemands y ont un représentant, un domicile politique ; tous les ans, ils s’y assemblent et y tiennent une diète. La librairie allemande est constituée sur d’excellentes bases ; elle est centralisée et procède par voie de consignation ; le décompte annuel se fait à Leipzig. Ce système, donnant à chaque éditeur un nombre infini de correspondans chez lesquels le public lecteur se réunit, comme au temps de Boileau les gens de lettres allaient deviser chez Barbin, est très favorable à l’écoulement des livres. La librairie française, qui souffre et qui se plaint, aurait probablement de l’avantage à prendre modèle sur celle de