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les anciennes antipathies entre protestans et catholiques se sont réveillées avec une énergie inattendue, que ces derniers supportent aujourd’hui avec impatience la position qui leur a été faite par le congrès de Vienne[1], et que, parmi les hommes les plus étrangers à toute pensée révolutionnaire, il en est beaucoup qui désirent de nouveaux arrangemens territoriaux au moyen desquels les intérêts moraux des populations soient mieux garantis. Cette situation des esprits ne pouvait manquer de donner des inquiétudes aux gouvernemens, et on peut croire qu’elle n’a pas été sans influence sur les tentatives faites l’année dernière pour réchauffer les souvenirs de 1813 et réveiller le sentiment patriotique des Allemands, en leur persuadant que leur nationalité était sérieusement menacée par la France. Cet incident nous fournira la matière de quelques réflexions par lesquelles nous terminerons ce travail.

IV. — EFFETS DU TRAITÉ DU 15 JUILLET EN ALLEMAGNE. —
SITUATION NOUVELLE VIS-À-VIS DE LA FRANCE.

On se souvient assez de l’irritation produite en France par le traité du 15 juillet 1840, et de l’espèce de défi jeté à l’Europe par le gouvernement français et par la plus grande partie de la presse périodique. Ces provocations, trop universelles peut-être, et qui demandaient à être soutenues par quelque acte de vigueur, blessèrent l’amour-propre des Allemands, et furent surtout habilement exploitées par la diplomatie autrichienne et prussienne. Les journaux censurés jetèrent le cri d’alarme, appelèrent les patriotes à la défense de la nationalité germanique menacée, et tonnèrent contre l’ambition de la France, qu’ils représentèrent comme ne respirant que la guerre et la conquête de la rive gauche du Rhin. Quelque peu conforme à la réalité que fût cette manière de présenter la question, beaucoup de gens s’y laissèrent prendre ; il y eut un débordement de prose et de vers belliqueux destinés à renouveler, si faire se pouvait, l’élan patriotique de 1813 ; on ne parla plus que de courir aux armes pour

  1. Nous avons déjà dit que la proportion des catholiques sur la totalité de la population est de cinq douzièmes dans les états prussiens. Dans le grand-duché de Bade, elle est de plus des deux tiers, de près de la moitié dans le Nassau, de plus de trois dixièmes dans le Wurtemherg, d’un tiers environ dans l’Oldenbourg, d’un quart dans la Hesse rhénane, etc. Tous ces pays ont des gouvernemens protestans. En revanche, la Bavière, dont le souverain est catholique, a près du quart de ses habitans appartenant à la confession protestante.