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LA MONARCHIE AUTRICHIENNE.

vant la loi. Mais le progrès et la diffusion de la science et les miraculeux perfectionnemens de l’industrie provoquent d’autres conséquences encore. Non-seulement les rapports doivent se modifier entre les classes privilégiées et le tiers-état ; mais aussi, entre le gouvernement et la population, les relations doivent devenir autres. La publicité et le contrôle doivent être inaugurés. Le régime représentatif doit s’organiser.

Jusqu’à présent le gouvernement autrichien ne s’est pas montré favorable à ces tendances. À l’égard de la publicité, l’empire d’Autriche est à peu près comme si l’imprimerie n’avait pas été inventée. C’est un gouvernement de mystère ; ses finances, par exemple, sont un dédale où personne n’a encore pénétré ; il n’y a pas en Europe un seul banquier qui en connaisse le secret. Ces traditions ténébreuses ne sauraient durer davantage. De même le contrôle est nul, et la représentation directe des divers intérêts aussi insignifiante que possible. Si sous tous ces rapports le gouvernement autrichien n’a pris aucune part au mouvement général de l’Europe, il faut l’attribuer à ce que la représentation, jointe à un certain degré de publicité et de contrôle, lui a paru identique avec le régime parlementaire à l’anglaise, que nous avons adopté. Or le gouvernement impérial est franchement hostile aux institutions parlementaires.

Il y a cependant une différence entre le régime représentatif et le gouvernement parlementaire. J’insiste sur cette distinction entre le parlementaire et le représentatif. Il n’est pas possible à un gouvernement sensé de ne pas admettre des formes représentatives dans le sens littéral de ce mot. On peut même dire que, dans le passé, tous les gouvernemens réguliers ont été jusqu’à un certain point représentatifs, c’est-à-dire qu’ils ont reconnu des organes à tous les intérêts dignes d’être pris en considération. L’essence du gouvernement représentatif, c’est que les citoyens soient groupés selon l’affinité de leurs intérêts, et que chaque intérêt ait sa représentation distincte, ses organes, ses droits ; chaque citoyen concourt alors, non à diriger le gouvernail de l’état, non à tenir ou à renverser la balance de l’Europe, mais, à administrer ou à contrôler les affaires spéciales du cercle dans lequel sa vie est enfermée, et d’où il ne songe pas à sortir, quoiqu’il en ait la liberté. Chacun alors est non pas un dix millième ou un millionième de Richelieu, en supposant que des milliers ou des millions de particules se rencontrant par hasard, comme les atômes crochus d’Épicure, puissent faire un homme de génie, mais un membre plus ou moins haut placé, plus ou moins actif,