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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

réparer des torts évidens. Toutefois, il est vrai de dire que cette réparation, venue trop tard, ne produira pas les résultats qu’on aurait pu en attendre dans un autre moment. Si Frédéric-Guillaume IV eût brisé les chaînes de l’archevêque de Cologne aussitôt après son avénement au trône, la confiance que l’on était disposé à mettre dans ses sentimens de modération et de justice se fût solidement affermie dans l’esprit des peuples, tandis que cette mesure, prise au bout d’un an de règne, après des tergiversations de toute espèce et à la suite de manifestations populaires presque menaçantes, paraîtra plutôt arrachée par les nécessités de la politique que dictée par un mouvement spontané de générosité et de justice. On a pu voir d’ailleurs, par ce que nous avons dit de la position des catholiques en Prusse, qu’ils ont encore d’autres griefs que la captivité de M. de Droste ; or, ces griefs, il n’est pas probable qu’on les fasse disparaître, parce que le roi, entouré des conseillers qui ont eu la confiance de son père, est aujourd’hui tout-à-fait engagé dans les mêmes voies, et parce que aussi trop d’intérêts particuliers sont liés à la prépondérance absolue des protestans sur les catholiques, pour qu’on puisse, sans un changement complet de système, rétablir entre eux même une apparence d’égalité. En supposant donc que l’irritation actuelle soit apaisée jusqu’à un certain point par l’arrangement de l’affaire de Cologne, les causes de division entre les deux confessions ne cesseront pas d’exister, et l’inimitié contre les Prussiens, qu’on a toujours regardés comme des étrangers dans les provinces rhénanes et polonaises, et qu’on y regarde, depuis les querelles religieuses, comme des ennemis et des oppresseurs, ne s’affaiblira pas notablement. Il est à peine besoin de dire que cette désunion profonde entre les diverses parties de la monarchie prussienne est une grande cause de faiblesse, et pourra même compromettre sérieusement son existence lorsque de nouvelles commotions ébranleront l’édifice européen. Ajoutons que la fermentation produite par les dissentimens religieux existe aujourd’hui dans presque tous les états secondaires de la confédération, parce qu’il n’en est aucun où l’affaire de Cologne n’ait donné lieu à une polémique animée, et où cette polémique n’ait jeté un jour tout nouveau sur la conduite des souverains protestans vis-à-vis de leurs sujets catholiques. On s’est aperçu que la plupart d’entre eux n’avaient pas travaillé moins activement que le roi de Prusse à corrompre et à asservir l’église, et on s’est effrayé du chemin que l’œuvre de destruction avait fait en beaucoup de pays. Il est résulté de là qu’on s’est beaucoup plus préoccupé des questions religieuses, que