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vêque de Cologne, en sorte que tout le monde s’attendait à une réparation semblable envers celui-ci. Il est probable, en effet, qu’elle eût été donnée si les chances de guerre avec la France qui avaient d’abord paru imminentes n’eussent été éloignées par le renversement de M. Thiers. Le nouveau ministère ayant entièrement rassuré l’Europe par ses dispositions pacifiques, le cabinet de Berlin ne jugea plus qu’il fût urgent de calmer les mécontentemens des provinces rhénanes, et essaya seulement de les endormir par des promesses vagues et l’annonce de nouvelles négociations ouvertes avec le saint-siége. Cette politique peu conséquente et les motifs trop évidens qui l’avaient dirigée refroidirent beaucoup l’enthousiasme et l’espoir excités d’abord par l’avénement du nouveau roi, et les catholiques revinrent peu à peu à leurs sentimens de méfiance et d’irritation. Dans la diète de la province du Rhin, laquelle, par mesure de précaution, ne fut ouverte qu’après la clôture de toutes les autres assemblées provinciales, on proposa de demander formellement la liberté de l’archevêque de Cologne ou sa mise en jugement. Il y eut une discussion remarquable où la cause du prélat fut défendue avec autant de force que de modération, et ce ne fut qu’à grand’peine, et en promettant de la part du roi une prompte solution par la voie diplomatique, que les commissaires du gouvernement purent obtenir une faible majorité contre la proposition. Cet incident et les nombreuses démonstrations populaires qui en ont été la suite lors du retour des députés dans leurs familles[1] paraissent avoir fait une grande impression à Berlin. Le roi a compris qu’il pourrait devenir dangereux de résister plus long-temps au vœu des populations rhénanes, et il a fait des concessions suffisantes pour permettre au saint-siége d’en venir à un arrangement définitif. Les termes de cet arrangement ne sont pas encore connus officiellement, mais on sait avec certitude qu’une réparation solennelle sera faite à l’archevêque de Cologne, qu’il lui sera donné un coadjuteur digne de toute sa confiance, et que la liberté sera rendue à l’autorité épiscopale, tant au sujet des mariages mixtes qu’en ce qui touche la direction du haut enseignement théologique.

Certes on doit louer le gouvernement prussien de n’avoir pas poussé l’obstination jusqu’au bout, et d’avoir consenti à reconnaître et à

  1. MM. Monheim, député d’Aix-la-Chapelle, et Dietz, député de Coblentz, qui avaient parlé et voté en faveur de l’archevêque, ont reçu de leurs concitoyens de véritables ovations, tandis que deux députés de Cologne qui s’étaient laissé influencer par le gouvernement ont été hués dans les lieux publics.