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étaient lorsque Nuremberg était catholique. Tableaux, statues, autels, tombes, rien n’y manque. L’église de Saint-Laurent contient un tabernacle de Kraft, magnifique joujou de sculpture, de quelque soixante pieds de haut, qui semble achevé d’hier, tant il est frais, quoiqu’il compte plusieurs siècles. Jamais on ne fit de plus jolis et de plus délicats festons en pierre. La pierre n’avait pas été mise au monde pour cette destination-là[1].

Le royaume de Bavière est, peut-être, le pays où l’on maçonne le plus. Le roi Louis a entrepris et achève une belle capitale, à laquelle on peut appliquer ce qui avait été dit de Versailles, que c’était un favori sans mérite. Il élève en outre à Ingolstadt, sur le Danube, une forteresse qui coûtera, dit-on, cinquante millions de francs. Ce sera une immense citadelle intérieure qui ne protégera aucune frontière. Ériger de pareils ouvrages, de la part des grands états, je doute que ce soit sagesse ; mais incontestablement, de la part des petits, c’est de la déraison, les petits états ne pouvant plus avoir de guerre pour leur compte. Cette construction d’Ingolstadt est impopulaire en Bavière. Le XIXe siècle autorise le goût de la truelle, mais il veut que ce soit pour l’utile ; c’est à peine s’il tolère le beau.

Le roi de Bavière a commencé extra-constitutionnellement les fortifications d’Ingolstadt ; cela lui a réussi. Une fois la chose entamée, les chambres n’ont pas cru pouvoir reculer. Il est vrai que les travaux avaient duré plusieurs années quand elles furent saisies de la question.

Le roi Louis semble avoir pris Louis XIV pour modèle. Il bâtit, comme le grand roi, de magnifiques monumens et de vastes citadelles. Il a voulu avoir aussi son canal des deux mers, en joignant le Rhin au Danube, et par conséquent la mer du Nord à la mer Noire ; c’est plus grandiose encore que la pensée de Riquet. Le canal Louis, c’est le nom qu’on lui donne, est un bel ouvrage, à peu près terminé aujourd’hui par une compagnie qu’a puissamment aidée l’état. Il a cent soixante-treize kilomètres de long. Ses dimensions sont presque les mêmes que celles de nos canaux à grande section. Il va du Regnitz, affluent du Mein, chercher un affluent du Danube, l’Altmuhl, qui apporte le tribut de ses eaux à ce roi des fleuves européens à Kelheim, un peu au-dessus de Ratisbonne. On le construit sur les plans de M. de Pechmann, conseiller supérieur des travaux

  1. C’est du calcaire de Kelheim, blanc et à grain fin, semblable aux pierres lithographiques, qui abondent, comme on sait, en Bavière.