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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

seurs, soit l’église et la religion catholique en général. Mais la configuration géographique de la Prusse et ses rapports avec ses voisins depuis l’établissement de l’union des douanes ne permettaient pas d’élever autour de cette monarchie une barrière infranchissable, et toutes les mesures de police imaginables ne pouvaient empêcher l’opinion catholique de s’éclairer. La controverse se soutint avec assez de liberté dans quelques autres états de la confédération germanique. Le roi de Bavière notamment, comprenant l’importance politique que pouvait lui donner le rôle de protecteur des intérêts catholiques en Allemagne, laissa le champ libre aux défenseurs de l’archevêque de Cologne, et ce fut de Munich que partirent les coups les plus rudes portés au cabinet prussien. Au premier rang de ses adversaires brilla surtout le célèbre Goerres, dont l’écrit intitulé Athanase eut un immense retentissement, et qui retrouva pour défendre les droits de l’église toute la vigueur et l’éloquence employées vingt ans auparavant au service de l’indépendance nationale. Les catholiques convaincus et dévoués à leur religion ne furent pas les seuls à attaquer la conduite du cabinet berlinois. Beaucoup de libéraux allemands se joignirent à eux pour la blâmer sévèrement comme un attentat injustifiable à la liberté individuelle, et des protestations en faveur de l’archevêque captif se firent entendre à la tribune de quelques petits états constitutionnels. L’affaire de Cologne fut envisagée sous le point de vue du droit commun, et on posa au gouvernement prussien ce dilemme sans réplique : ou l’archevêque s’est rendu coupable d’un acte criminel prévu et réprimé par la législation existante, et alors il faut le traduire devant les tribunaux ; ou il n’a violé aucune loi positive, et dans ce cas on n’a aucun droit de le retenir arbitrairement. Tous les sophismes du monde ne pouvaient rien contre cet argument auquel on n’opposa que la raison d’état, ou en d’autres termes la volonté nettement exprimée de se mettre au-dessus de toutes les lois et de tous les droits.

Quelque grands que fussent les embarras dans lesquels l’affaire de Cologne avait jeté le gouvernement prussien, aucune démarche sérieuse ne fut faite pour en sortir pendant la vie de Frédéric-Guillaume III, qui se croyait engagé d’honneur à ne point reculer d’un pas. Ce prince étant mort en 1840, les catholiques fondèrent de grandes espérances sur son successeur, dont on vantait la tolérance et les lumières, et qui en effet rendit la liberté à l’archevêque de Posen peu de temps après son avènement. La position du prélat polonais vis-à-vis du pouvoir avait été la même que celle de l’arche-