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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

aux mesures du gouvernement, et n’hésita pas à prendre en main l’administration du diocèse, contrairement à toutes les règles du droit canonique. Mais cette conduite provoqua de vives réclamations de la part du clergé inférieur, et bientôt après une protestation plus imposante et plus solennelle partit de la cour de Rome. Le 10 décembre 1837, moins d’un mois après l’enlèvement de M. de Droste, le pape prononça en consistoire une allocution énergique qui fut immédiatement rendue publique, et qui prouva aux catholiques allemands qu’aucune considération politique ne pouvait arrêter le saint-siége lorsqu’il s’agissait de défendre la liberté de l’église et les droits de la conscience. M. de Bunsen, ministre de Prusse à Rome, se plaignit qu’on n’eût pas attendu les explications satisfaisantes, selon lui, qui allaient être données par son gouvernement sur les motifs de l’enlèvement de l’archevêque de Cologne ; mais le cardinal secrétaire d’état ne lui répondit qu’en demandant formellement la mise en liberté de M. de Droste, et refusa de recevoir les communications de l’envoyé prussien jusqu’à ce que cette satisfaction eût été donnée. Tous rapports diplomatiques furent dès-lors rompus entre la Prusse et Rome, et ce ne fut que beaucoup plus tard qu’on reprit des négociations dans le but d’arriver à un accommodement.

L’emprisonnement de l’archevêque de Cologne et l’allocution du souverain pontife firent un prodigieux effet dans les états prussiens et même dans le reste de l’Allemagne. Une vive fermentation se manifesta parmi des populations qui avaient pu sembler jusque-là assez indifférentes aux questions religieuses. Beaucoup de gens parurent s’apercevoir pour la première fois de tout ce que le gouvernement prussien avait fait contre le catholicisme, et on se mit partout en mesure pour déjouer ses projets par une opposition vigilante et infatigable. Le clergé, que le pouvoir avait espéré trouver complaisant et servile, se montra, à quelques exceptions près, fidèle aux règles tracées par l’archevêque, et ceux même de ses membres qui auraient été disposés à faillir furent maintenus dans leur devoir par l’énergique expression des sentimens populaires. L’exemple donné sur les bords du Rhin gagna les provinces polonaises : l’archevêque de Posen ayant imité la résistance de celui de Cologne au sujet des mariages mixtes, un second acte de violence fut exercé sur lui ; il fut aussi enlevé par des soldats et conduit dans une forteresse. Ces rigueurs n’empêchèrent pas les évêques de la Westphalie de rétracter l’adhésion donnée par eux à la fameuse convention secrète de Berlin, ni ceux de la vieille Prusse de conformer leur conduite aux prescrip-