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DU MAGNÉTISME ANIMAL.

la campagne, et soigneusement caché ensuite, jouait le personnage d’Égérie. À l’Opéra, on voit tous les jours de ces prestiges[1]. Un quatrième : — Vous calomniez Numa. Il aura eu une rencontre avec une jeune fille dans un bosquet, et, comme on connaissait la piété du roi, on aura dit que c’était une nymphe. Un cinquième : — Numa a dit voir et entendre une nymphe ; c’était évidemment une hallucination de la vue et de l’ouïe. Nos maisons de fous sont pleines de gens qui ont des apparitions de ce genre. Un sixième : — Numa allait consulter une jeune fille nommée Égérie, qui lui révélait des choses cachées ; cette Égérie ne peut avoir été autre chose qu’une somnambule. Vient enfin le mythologue, qui dit : — Vous cherchez à expliquer un fait, c’est peine perdue. Il n’y a pas de fait, il n’y a pas de grotte, pas de nymphe, peut-être pas de Numa ; il n’y a qu’un récit sur Numa ; c’est ce récit qu’il faut expliquer, et non la chose racontée.

Voilà bien des clés pour déchiffrer cette énigme, et on ne voit pas que celle du magnétisme animal y réussisse mieux que les autres.

S’étant ainsi introduit avec quelque succès comme fait probable, d’après les analogies de la science et de l’histoire, le magnétisme animal n’a plus qu’à montrer expérimentalement que ce qui est possible et probable est réel ; mais, sur ce point essentiel, il perd tout d’un coup ses avantages. Il annonce des expériences, des faits décisifs qu’on ne pourra nier, dit-il, qu’à condition de nier toute autorité en matière de témoignage, et on ne trouve dans le très vaste répertoire de faits de somnambulisme accumulés depuis quarante ans, aucune observation capable de satisfaire pleinement une critique rigoureuse. Loin que la quantité de ces relations compense leur peu de valeur intrinsèque, la confiance décroît pour ainsi dire en raison directe du nombre des témoins. Le ton enthousiaste des narrateurs, les preuves de naïvetés de tout genre qu’ils donnent à chaque instant, leur inexpérience presque enfantine dans l’art d’observer, ne permettent pas de compter beaucoup sur leur discernement critique ni sur leur impartialité scientifique. On ne parle ici que de ceux qui écrivent avec conviction et dont les erreurs ne sont pas des mensonges. Il y a des exceptions, nous en avons cité, mais elles sont rares.

Montrer en détail l’insuffisance des preuves de fait apportées dans

  1. C’est le système uniforme développé dans un livre, d’ailleurs curieux, ingénieux et savant de M. Eusèbe Salverte. (Des Sciences occultes. Paris, 1829. in-8o.)