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nambulisme, l’usage qu’en font les magnétistes est un paralogisme perpétuel. De la réalité, à eux démontrée expérimentalement, disent-ils, des phénomènes magnétiques et somnambuliques, ils concluent à la réalité des phénomènes plus ou moins semblables consignés dans les récits de l’histoire, et puis ils donnent la vérité de ceux-ci-en garantie de la vérité de ceux-là. Pour que cette induction eût quelque ombre de valeur, il faudrait d’abord établir que tous ces faits, plus ou moins merveilleux, racontés dans les livres saints et profanes, ont une réalité historique positive et certaine, considérés comme simples évènemens, et ensuite que ces évènemens, tels qu’ils se présentent lorsqu’on les réduit à ce qui a pu être constaté par les sens des témoins, ne sont pas susceptibles d’une autre explication que le magnétisme. Jusque-là tout se réduit à des assertions d’une insignifiance presque puérile. Mais une investigation critique de cette nature dépasse de beaucoup les forces des écrivains en magnétisme. Le problème du merveilleux historique est une question qui ne paraîtra facile qu’à ceux qui sont incapables de la traiter et de la résoudre. Démêler d’une manière précise, rigoureuse, dans ces sortes de faits, à quelque genre de merveilleux qu’ils appartiennent, les élémens divers qui leur donnent la forme sous laquelle ils ont apparu aux yeux des contemporains, déterminer ce qui, dans un évènement quelconque de cette nature, s’est réellement passé, soit matériellement dans les circonstances extérieures, soit psychologiquement dans l’esprit des acteurs, des spectateurs et des narrateurs, c’est un des nœuds gordiens les plus embrouillés de la philosophie de l’histoire. Prenons un exemple :

Numa Pompilius, roi de Rome, retiré dans une grotte près de la ville, avait des communications avec une nymphe qui lui apparaissait de temps en temps et lui enseignait plusieurs choses importantes sur le gouvernement et sur le culte des dieux. Voilà le récit orthodoxe. Que s’est-il passé ? — Rien de plus simple, dit un critique. C’est un conte fait à plaisir par Numa pour donner plus d’autorité à ses réformes politiques — Un second arrive et dit : — Ce n’est pas cela ; la nymphe Égérie est une simple allégorie, une expression métaphorique dont s’est servi Numa pour dire que tout le bienfait de ses institutions devait être rapporté aux dieux. Un troisième survient : — Numa était un mage, un habile thaumaturge ; il avait disposé dans sa grotte un mannequin habillé en nymphe, qui, adroitement montré de temps à autre aux paysans qui passaient à quelque distance dans