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que d’autres planètes à découvrir eussent une marche inverse, et en fait on n’a pas opposé cette loi aux comètes pour leur ôter le droit qu’elles exercent journellement de prendre, à tort et à travers, le chemin qu’il leur plaît. De même, puisqu’il s’agit de magnétisme, de ce qu’un homme parle tout éveillé, il ne s’ensuit pas nécessairement que ce même homme ou un autre homme ne puisse pas parler étant endormi. Le sommeil dit magnétique, s’il existe, ne contredit en rien le sommeil dit naturel, et on ne peut pas affirmer l’impossibilité du premier en vertu seulement de la réalité constatée du dernier. Il y aurait en ce cas deux espèces de sommeil au lieu d’une, ce qui ne dérangerait aucune loi de la nature.

Disons donc que tout ce qu’on peut raisonnablement opposer à priori à une assertion concernant un fait extraordinaire, c’est-à-dire très différent des faits connus, se réduit à une simple improbabilité de tous les degrés.

On insiste, et on dit qu’avec ce système il faudra admettre les miracles de Mahomet, et croire, par exemple, qu’il n’est pas absolument impossible qu’il ait mis la lune dans sa poche. Nous aurions beaucoup à dire en général sur ces faits appelés miracles par les chrétiens, prodiges par les païens, prestiges par les partis ennemis, jongleries par les philosophes, folies par les médecins, mythes par quelques Allemands ; mais nous n’entrerons pas incidemment dans cette vaste question de surnaturalisme historique. Quant au miracle de Mahomet, nous répondrons que cet évènement est de ceux qui sont impossibles, parce qu’il renferme une véritable contradiction intrinsèque. Il implique en effet qu’un corps de 782 lieues de diamètre a trouvé place dans un espace de 6 pouces carrés, ou autrement que 6 pouces = 782 lieues. Il faudrait, pour rendre le fait possible, que la lune fût assez petite pour entrer dans la poche, ou la poche assez grande pour contenir la lune ; mais alors il n’y aurait plus de miracle, et partant plus de difficulté. Enfin, les esprits sévères qui pourraient faire de ces questions et autres analogues se rassureraient immédiatement sur les inconvéniens de notre opinion, s’ils réfléchissaient qu’on pourrait très bien la faire coïncider avec la leur dans le résultat, en s’accordant à dire de part et d’autre indifféremment, ou bien qu’un fait prouvé est toujours possible, ou bien qu’un fait est impossible tant qu’il n’est pas prouvé. Laquelle de ces formules qu’on choisisse, on est en sûreté.

Tant que les magnétistes se tiennent sur ces hauteurs, ils ne s’exposent guère. Forts de l’avantage des lieux, ils foudroient la petite