Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/723

Cette page a été validée par deux contributeurs.
713
DU MAGNÉTISME ANIMAL.

celle-là. Or, le vice de l’objection per impossibile contre les faits magnétiques est précisément ce paralogisme. La réalité et la possibilité coexistant toujours inséparablement dans les choses, l’homme ne peut mesurer la dernière que sur la première, mais comme il ne peut savoir sur cette réalité, seule mesure du possible, que ce qui lui est successivement révélé par l’expérience, il n’a, dans aucun cas, le droit d’affirmer que telle ou telle expérience ne pourra jamais être faite, ou, ce qui revient absolument au même, d’affirmer l’impossibilité d’un fait quelconque.

Pour sortir de l’abstraction, énonçons l’objection comme on la pose vulgairement. Un fait est impossible, dit-on, lorsqu’il est en opposition avec les lois de la nature. Or, qu’est-ce qu’une loi de la nature ? Si je l’entends bien, on veut désigner par là l’ordre régulier et uniforme dans lequel se produisent et se rangent un certain nombre de phénomènes. Nous appelons lois de la nature ce qui arrive constamment de la même manière, dans un certain ordre et sous certaines conditions qu’il nous est donné d’apercevoir. Mais comment a-t-on connu cet ordre et cet arrangement ? Par l’observation et l’expérience. Or, l’observation et l’expérience ne nous présentent autre chose que des faits. Notre science n’est qu’un recueil de faits qui nous sont donnés, et que nous sommes forcés d’accepter tels qu’ils se présentent. À mesure que ces faits arrivent à notre connaissance, nous les comparons et les classons suivant leurs analogies et leurs différences. Cet arrangement considéré dans notre esprit est une théorie ; considéré dans les choses mêmes, c’est ce que nous appelons une loi. Mais cette loi n’étant et ne pouvant être que l’expression des faits mêmes en tant qu’ils ont un ordre, et non leur principe, on ne peut arguer de la loi contre le fait, puisque la loi n’est que le fait même. Invoquer la loi, ce n’est donc qu’invoquer un fait. Et de quel droit alors un fait s’opposerait-il à un autre ? Il faudrait pour cela qu’ils fussent contradictoires. Dans ce cas sans doute ils s’excluraient réciproquement, et leur coexistence serait nécessairement impossible, car l’impossible, pour la raison humaine, se résout dans le contradictoire. Un cercle ne peut pas être un carré, car affirmer l’un c’est nier l’autre, et réciproquement. Dans la nature il ne saurait y avoir de contradiction ; un fait peut différer d’un autre, mais non le contredire. C’est par exemple un fait général, c’est-à-dire une loi, certes des mieux déterminées, que toutes les planètes tournent autour du soleil d’occident en orient, à peu près dans le plan de son équateur ; il ne serait pas impossible pour cela