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recte avec cet acte, et, croyant que sa conscience ne lui permettait pas de la mettre à exécution, il refusa constamment de céder sur ce point aux exigences ministérielles. Ce fut alors que le gouvernement, désespérant de le faire plier, le fit enlever de force par des soldats et transporter dans la forteresse de Minden en Westphalie. En même temps on afficha sur tous les murs de la ville une déclaration signée de trois ministres, où, faute de pouvoir produire contre l’archevêque quelqu’un de ces chefs d’accusation formels sur lesquels on peut baser un procès criminel, on lui reprochait de s’être arrogé un pouvoir arbitraire, d’avoir foulé aux pieds les lois du pays, méconnu l’autorité royale, porté le trouble là où régnait le plus bel ordre, etc. ; imputations vagues et générales, toujours appliquées à quiconque défend son droit contre le pouvoir, et au moyen desquelles on se dispense de bonnes raisons et de preuves positives. Les ministres du roi de Prusse avaient été encouragés à cet acte de violence envers l’archevêque par la division qui existait entre lui et une partie du clergé rhénan, à cause de l’opposition du prélat à la secte hermésienne[1]. Or, cette secte, que M. de Spiegel avait favorisée, était parvenue à s’emparer presque entièrement du haut enseignement religieux dans le diocèse, et une partie du chapitre métropolitain lui était dévouée. Il résulta de là que le chapitre, au lieu de protester contre l’enlèvement de l’archevêque, donna au moins une approbation tacite

  1. Le chanoine Hermès, professeur de théologie à Bonn, mort il y a quelques années, avait basé son enseignement sur un système philosophique tout-à-fait rationaliste qui s’était promptement répandu dans le clergé des provinces rhénanes, grace à la protection de l’archevêque Spiegel et à l’appui marqué du gouvernement. Cette doctrine, ayant excité de vives controverses en Allemagne, attira l’attention du saint-siége, et elle fut condamnée par un bref du 26 septembre 1835, comme tendant à introduire de graves erreurs sur les points les plus essentiels de la théologie. Bien que ce bref ne touchât qu’à des questions purement dogmatiques, le cabinet de Berlin ne voulut pas permettre qu’il fût publié, et les hermésiens arguèrent de ce défaut de promulgation officielle pour refuser de s’y soumettre. Comme ils occupaient toutes les chaires de théologie à l’université de Bonn, à l’exception d’une seule, M. de Droste, qui ne pouvait pas les destituer sans le concours du gouvernement, usa du seul moyen que lui donnassent les réglemens existans, et refusa son approbation aux cours des professeurs hermésiens. Ceux-ci n’en ayant tenu aucun compte, il fut obligé d’interdire aux étudians la fréquentation des cours en question, et pour détruire l’hermésianisme dans sa racine, il fit signer à son clergé dix-huit propositions touchant les principaux points sur lesquels la nouvelle secte était en contradiction avec la doctrine catholique. Cet exercice légitime des devoirs d’un évêque chargé de veiller sur l’enseignement théologique de son diocèse est au nombre des principaux griefs allégués contre le prélat dans le manifeste du ministère prussien.