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Les phénomènes physiologiques devaient prouver l’existence du principe universel, les guérisons la puissance curative de ce principe. Ces phénomènes étaient des mouvemens nerveux du corps et des membres, des bâillemens, des agitations et des sensations intérieures extraordinaires, des impressions de chaleur ou de froid, des sueurs, l’accélération du pouls, des pleurs, des rires involontaires, et enfin des convulsions violentes qu’il appelait des crises. Pour déterminer ces effets, Mesmer se servait d’appareils et d’instrumens qui, par leur construction, leur matière, leur mode d’application, étaient analogues à ceux employés en physique dans les expériences sur l’électricité, la lumière, etc., et appropriés à la nature supposée de son fluide universel. C’étaient des baquets remplis de limaille de fer ou d’eau, des tiges de fer, des baguettes pointues. Les traitemens avaient lieu en commun.

Après bien des vicissitudes inutiles à retracer ici, la commission mixte de l’Académie des Sciences et de la Faculté de Médecine, chargée par le roi d’examiner le système de Mesmer, fit paraître, après cinq mois d’expériences, son fameux rapport, rédigé par Bailly (11 août 1784). Elle déclara, 1o que l’agent annoncé par Mesmer n’existe pas ; 2o que les effets physiologiques observés dans les salles de traitement avaient pour seules causes l’influence des attouchemens, de l’imagination et de l’imitation ; 3o que ces effets étaient dangereux ; 4o que les faits de guérison allégués n’avaient aucune valeur. Ce rapport fut signé par B. Franklin, Bailly, d’Arcet, Lavoisier, Sallin, de Bory, Leroy, Majault et Guillotin. La société royale de médecine fit aussi, d’après les ordres du roi, un rapport analogue dans ses conclusions.

Malgré ces décisions solennelles parties de si haut, Mesmer continua d’écrire, de traiter des malades et de propager sa doctrine par tous les moyens à sa disposition. N’ayant pu s’arranger avec le gouvernement pour la vente de ce qu’il appelait son secret, il le céda à des souscripteurs volontaires dont il tira, dit-on, plus de 340,000 fr. Des sociétés nombreuses, dites sociétés d’harmonie, s’établirent dans les principales villes de France et du Nord. Celle de Strasbourg fut une des plus célèbres. Le magnétisme animal devint une mode, il en eut la vogue, l’entraînement et la popularité, et ensuite le retour.

Dans l’année même où les premiers savans de la France condamnaient le mesmérisme à Paris, un jeune officier, M. Chastenet de Puységur, fit une découverte qui devait complètement transformer la doctrine du médecin allemand, et commencer une ère toute nou-