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sible, de même une assertion du caractère extérieur le plus paradoxal peut, à l’aide de transitions convenables, se faire accepter par la raison.

Du reste, il ne faut prendre cette comparaison que pour ce qu’elle vaut. Assurément nous ne prétendons pas que le second de ces exemples soit aussi ridicule que le premier, ni qu’il implique des erreurs et des préjugés aussi grossiers. Mais le degré de ridicule ne fait rien à l’affaire. Ce ridicule d’ailleurs tient en grande partie à des circonstances accidentelles de lieu, de temps, de langage. Le seul point important à constater par ce rapprochement, c’est que, dans les deux cas, il y a le même genre, sinon le même degré, d’illusion, et que la position logique des deux médecins et des deux sciences qu’ils représentent, est, dans ces mêmes cas, à peu près semblable. Voilà tout ce qu’on a voulu prouver ; et prouver cela, c’est prouver que le règne du vieil esprit de la fausse science dure encore assez sensiblement, et que si son arrêt de bannissement a été légalement et solennellement prononcé il y a deux siècles et non rapporté depuis, il est certain que la sentence n’a pas été partout exécutée.

Le magnétisme animal va nous offrir, sur une plus grande échelle et en traits plus frappans, la confirmation de ce qui précède. Cette doctrine semble, après bien des aventures, se trouver aujourd’hui dans une période d’ascendance. Sa littérature abonde en livres qu’on achète ; elle a à Paris des chaires publiques et privées, et deux ou trois journaux. En Allemagne, elle est officiellement classée parmi les branches de l’enseignement médical ; elle se fait souvent écouter et quelquefois presque accepter par nos académies. Elle renouvelle fréquemment ses appels à la curiosité publique par des affiches, des prospectus, des annonces, et fournit à la conversation un texte encore peu usé. Enfin, elle a créé dans la science une spécialité, et dans l’état deux professions, celle de magnétiseur et celle de somnambule. À tous ces titres elle constitue une très respectable actualité.

Quelques mots d’abord sur son histoire.

C’est d’ordinaire au médecin allemand Mesmer qu’on attribue l’introduction du magnétisme animal et l’établissement de ses dogmes fondamentaux : c’est une erreur. Les idées qu’il fit entrer dans sa doctrine avaient subi, dans les deux siècles précédens, une élaboration systématique, et pris la forme d’une doctrine arrêtée. Les titres seuls de bon nombre de livres des XVIe et XVIIe siècles[1] prouvent

  1. Particulièrement ceux de Tentzel (de Medicina diastatica s. magnetica) ;