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DU MAGNÉTISME ANIMAL.

Voyons maintenant si la philosophie médicale moderne a fait assez de progrès pour rendre impossible cette sorte d’illusion.

Les termes de comparaison abondent. Il n’y a qu’à ouvrir un traité de médecine pratique, un Codex, un dictionnaire ; on en trouve un à chaque page. Nous prendrons le suivant non comme le plus convenable à notre but, mais comme un des plus populaires et des plus connus.

Chacun a entendu parler de la gastrite, et même, il y a quelques années, chacun croyait l’avoir. Sans faire ici de médecine, nous dirons qu’on désigne par ce mot l’inflammation de la membrane qui revêt intérieurement l’estomac. Quant à la chose signifiée par le mot inflammation, la définition en serait infiniment plus difficile. Il suffit de dire qu’on s’en ferait une idée suffisamment claire, quoique bien grossière, en se représentant l’état de la peau du visage prise de fluxion ou d’érysipèle. La peau, dans ces cas, devient, comme on sait, rouge, chaude, gonflée et douloureuse. Placez tous ces caractères sur la peau interne de l’estomac, et vous aurez à peu près l’image d’une gastrite. C’est du moins ce que disent les livres et nos maîtres. Personne n’ignore non plus que, cette maladie étant constatée, la première chose que fait le médecin est d’appliquer sur le creux de l’estomac un certain nombre de sangsues (quinze, vingt, trente) qu’on y laisse se gorger de sang, et dont on ne ferme ensuite les piqûres qu’après qu’elles ont coulé plus ou moins long-temps. Cette soustraction de sang, opérée sur ce point déterminé, passe pour agir puissamment et favorablement sur l’organe intérieur souffrant. C’est parmi les moyens imaginés pour le traitement de la gastrite le plus universellement employé. Le médecin qui négligerait de l’appliquer serait taxé d’imprudence, sinon d’ignorance, et celui qui le prescrit se croit parfaitement en règle avec sa conscience et avec sa science.

Cette confiance morale et cette quiétude logique reposent pourtant sur des fondemens si faibles, qu’on n’a plus le courage de faire le procès au P. Kircher, à l’endroit de ses serpens. Si vous demandez au médecin la démonstration scientifique de cette méthode, vous serez étonné de reconnaître qu’il est incapable de la produire, et il sera probablement aussi étonné que vous de son impuissance à cet égard. C’est qu’en effet il ne s’était jamais posé directement la question à lui-même. Il est, sans s’en douter, dans l’illusion logique de ses confrères du XVIe siècle. Forcé de répondre, il invoquera inévitablement et avant tout l’expérience. Mais alors on lui demandera, comme à l’homme à la caverne, quelle garantie il a que cette expé-