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et les préceptes pratiques qui dirigent sa conduite dans l’exercice de l’art, sont en général, qu’il le sache ou l’ignore, des connaissances, logiquement parlant, pseudo-scientifiques, c’est-à-dire des notions acquises et acceptées hors des conditions indispensables de crédibilité que la critique philosophique impose aujourd’hui à toute affirmation dogmatique. Ce sont de simples croyances, en droit hors de la science, mais qui la simulent. De là naît pour la médecine une illusion tout-à-fait analogue dans son principe et dans ses résultats à celle qui a signalé le règne des doctrines occultes.

La démonstration développée de ce fait nous conduirait plus loin que nous ne voulons et ne pouvons aller. Nous nous bornerons à éclaircir notre pensée par un seul exemple.

La médecine occulte du moyen-âge avait un très riche formulaire, comme on en jugera par les recettes suivantes tirées de son Codex.

Pour le mal de tête, une plante de verveine appliquée sur la nuque (auct. Forestus).

Pour l’épilepsie, un brin de sureau suspendu au cou (auct. Anton. Hartmann et Bartholin).

Pour l’hypochondrie, un sachet de safran sur le cœur.

Pour faciliter la sortie des dents, les yeux d’écrevisse.

Pour arrêter le crachement de sang, appliquer sur l’estomac un crapaud tué pendant que le soleil est dans le signe du lion (auct. Hoffmann, Method. medend., lib. I, cap. 19), etc., etc.

Parmi les recettes ingénieuses de la thérapeutique, magnétique ou sympathétique de cette époque, une des plus remarquables est celle dont on se servait encore à Rome au XVIIe siècle pour la guérison de la lèpre et autres maladies cutanées. C’est le père Kircher (De arte Magneticâ, lib. III, pars 7) qui en a donné la meilleure description comme témoin oculaire. Dans les montagnes des environs de Bracciano, il y avait une caverne ; dans cette caverne, il y avait des serpens, et ce sont ces serpens qui guérissaient la lèpre. Voici comment : « Le malade, dit le docte jésuite, ayant été d’abord purgé, est transporté dans la grotte, dont la température est sensiblement plus élevée que celle de l’air extérieur ; on le déshabille, on l’étend tout nu par terre ; la chaleur du lieu ne tarde pas à le faire suer, et dès qu’il sue, il s’endort. Pendant qu’il est ainsi endormi et sans mouvement, les serpens des environs, alléchés par l’odeur de la sueur, sortent de leurs trous par centaines, s’enroulent autour du corps du patient et se mettent à le lécher délicatement sans lui faire aucun mal, Mais comme le moindre mouvement les mettrait en fuite, il est