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DU MAGNÉTISME ANIMAL.

d’absurde. Elle n’est pas même paradoxale. On trouvera, à la réflexion, que la continuation de l’illusion dont il s’agit est non-seulement possible, mais encore extrêmement probable.

Le premier fait à constater est l’étonnante durée et l’universalité d’empire des doctrines occultes. Si on consent à retrancher les deux ou les trois derniers siècles, on les verra, à partir de là, se prolonger sans interruption sur toute la terre, dans tous les temps, et confondre leur origine avec celle de la société humaine. Cette longue autorité est d’autant plus extraordinaire, que ces sciences, même les plus fantastiques en apparence, tendaient toutes à la pratique. C’était à leur décision souveraine que les individus et les gouvernemens confiaient leurs intérêts les plus chers et les plus positifs. C’est de la cage des poulets sacrés que sortirent les plus importantes résolutions du sénat et des généraux de Rome. C’est la sentence d’une magicienne, d’un chiromancien, d’un tireur d’horoscopes, qui réglait les actes de la vie publique et privée de la plupart des hommes. Au XVe et au XVIe siècles, il n’y avait pas de si petit prince en Europe qui n’eût son astrologue, qu’on envoyait chercher dans toutes les occasions importantes pour qu’il demandât aux astres s’il fallait partir ou rester, livrer bataille ou se retrancher. S’agissait-il d’accomplir une vengeance, de nuire à son ennemi, de tuer ses troupeaux, de dévaster son champ, de gagner un cœur, c’était la magie qui fournissait les sorts, les formules d’exécration, les philtres, et prescrivait les cérémonies appropriées au but. Enfin, c’est à la médecine occulte, à la thérapeutique mystérieuse d’incantation, d’attouchement, d’insufflation, des amulettes, des talismans, des songes, qu’on confiait de préférence les plus précieux des biens, la santé et la vie. Le rapport étroit et immédiat de ces pseudo-sciences avec la vie, leur contact continuel avec l’expérience, auraient dû, ce semble, en faire apercevoir plutôt la vanité. Que des recherches de simple curiosité spéculative, telles que celles de l’antique cosmologie ou de la dialectique scolastique, puissent s’épuiser en efforts stériles, et n’enfanter que des systèmes tout-à-fait arbitraires, c’est ce qui se conçoit sans peine, parce que dans ces régions désertes de la pensée, l’esprit peut bâtir ce qui lui plaît ; mais que des doctrines relatives à des objets placés dans la sphère de l’observation, incessamment soumises dans de continuelles applications à l’épreuve de l’expérience, puissent, quoique extravagantes jusqu’à l’absurde, forcer la conviction raisonnée des savans, et servir de règle pratique dans le cercle même des réalités matérielles, c’est ce qui semble inexplicable. A priori,