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arts utiles. Parmi ces sciences, il suffit de rappeler l’astrologie, la magie, la théurgie, l’alchimie, la cabale. Toutes ces doctrines, et d’autres encore, licites ou illicites, sacrées ou profanes, portèrent long-temps le titre de sciences occultes, soit parce que leurs théories et leurs pratiques impliquaient l’existence d’un monde surnaturel, soit parce qu’elles supposaient dans la matière, à côté et en dehors des lois qui règlent les phénomènes naturels, des influences, des qualités, des puissances occultes dont l’étude constituait une science d’un ordre plus relevé soit parce que ces connaissances transcendantes, très difficiles à acquérir et réservées par conséquent à quelques privilégiés, donnaient à celui qui en avait le secret un empire mystérieux et redoutable sur la nature et sur les hommes. La philosophie moderne fit justice de ces vains simulacres de science, et ouvrit de nouvelles et meilleures routes dans la recherche de la vérité.

Que cette épuration ait été légitime et un immense bienfait, c’est ce que personne ne serait tenté de nier aujourd’hui. Le mouvement scientifique du XVIe siècle n’a de comparable en grandeur que le mouvement religieux et social du christianisme. Cependant le spectacle de cette destruction en grand de tant d’idées amassées par le temps, de tant de systèmes si laborieusement construits, de toute cette science de laquelle s’étaient nourries des centaines de générations, de tous ces prodigieux ouvrages de l’esprit humain, est à la fois triste et menaçant. Si en effet cette destruction fut juste et conforme à l’ordre, qui nous répond à nous, hommes nouveaux, de la solidité de nos œuvres d’un jour ? Si l’élite du genre humain et le genre humain tout entier ont été livrés pendant des milliers d’années à une sorte de folie scientifique, qui nous dit qu’en sortant de ce rêve nous ne sommes pas entrés dans un autre peut-être plus long que le premier ? Ce sont là des questions qui ne peuvent jamais être résolues par l’époque qui les pose. Il en faut laisser la solution aux générations pour qui notre présent sera le passé. Celles-là feront aussi leur science, et leur science jugera la nôtre, de même que la nôtre a jugé l’ancienne. Mais la nature, la forme et la date de la sentence sont des secrets.

Une question plus abordable, parce que nous avons sous la main les élémens de sa solution, est celle de savoir si cette espèce d’illusion logique qui perpétua si long-temps le règne des sciences dites occultes, et qui projeta son ombre sur toutes les autres branches du savoir, a aussi complètement cessé qu’on le croit généralement. Cette question, bien qu’assez peu respectueuse, n’a cependant rien