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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

hauts emplois de ce ministère étaient occupés par des protestans. Aussi des écoles protestantes et mixtes furent établies comme des espèces de pépinières dans des pays où le luthéranisme n’avait jamais pénétré, et dans celles qu’on laissa aux catholiques tout fut calculé pour inspirer aux jeunes gens, sinon l’aversion et le mépris, au moins une profonde indifférence pour la religion de leurs pères.

Nous passons sous silence bien d’autres preuves du mauvais vouloir du gouvernement prussien à l’égard de la religion catholique, pour arriver à l’affaire des mariages mixtes et à l’enlèvement de l’archevêque de Cologne. En 1803, le roi de Prusse avait rendu un décret portant que les enfans issus de mariages entre protestans et catholiques seraient élevés dans la religion du père. Lorsque plus tard les provinces rhénanes et westphaliennes lui furent données par le congrès de Vienne, il n’osa pas d’abord y promulguer cette loi, trop contraire aux prescriptions de l’église romaine, laquelle n’autorise ses ministres à bénir ces sortes d’unions que sur la promesse faite par les époux d’élever tous leurs enfans dans la religion catholique[1]. Mais, en 1823, tous les emplois de quelque importance se trouvant remplis dans les provinces occidentales par des fonctionnaires protestans, on pensa qu’il y aurait avantage à étendre à cette partie de la monarchie l’ordonnance de 1803. En effet, ces employés se mariaient ordinairement dans le pays à des femmes catholiques, et avec le secours de l’ordonnance en question chacun de ces mariages devait donner naissance à une famille protestante, ce qui, dans un temps donné, ne pouvait manquer de changer notablement la proportion existante entre les membres des deux confessions. La nouvelle loi trouva, dès le commencement, une si vive résistance et donna lieu à tant de contestations entre le clergé et les autorités civiles, que le gouvernement se vit forcé de reculer, et, d’accord avec les évêques, pria le saint-siége de tracer définitivement les règles à suivre en cette matière. Après des négociations assez longues, Pie VIII adressa aux évêques des provinces rhénanes et de la Westphalie son bref du 25 mars 1830, dans lequel il poussait la condescendance jusqu’à atteindre les extrêmes limites qu’il n’est pas permis de dépasser[2]. Il n’y était pas dérogé aux prescriptions ordinaires de l’église sur la promesse à

  1. Les exceptions à cette règle ont toujours été du fait des gouvernemens, soit catholiques, soit hétérodoxes, et, quoique des évêques complaisans y aient quelquefois prêté la main, le saint-siége ne les a jamais autorisées.
  2. Ainsi s’exprime son successeur, Grégoire XVI, dans l’allocution du 10 décembre 1837.