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REVUE DES DEUX MONDES.

La Chine, qui s’est placée en dehors des principes conservateurs des autres nations, et qui fait aujourd’hui tous ses efforts pour rester dans son isolement, qu’elle considère comme sa sauvegarde, a-t-elle le droit de réclamer la protection d’un pacte qu’elle ne reconnaît pas ?

On ne peut nier que le gouvernement chinois n’a admis le commerce des nations étrangères qu’à des conditions qu’elles n’étaient pas forcées d’accepter, mais qui devenaient obligatoires pour elles dès le moment qu’elles les admettaient en s’y soumettant. Ce droit de régler ses relations avec des états dont elle se méfiait, personne ne peut assurément le refuser à la Chine ; mais en est-il de même des mesures prises par elle pour le faire triompher ? Pouvait-elle, dans un même arrêt de proscription, frapper les innocens et les coupables ? car la menace et la mesure s’appliquaient à tous. L’Angleterre ne devait-elle pas soutenir, au moins, les droits de ceux de ses sujets qui faisaient en Chine un commerce légal, autorisé par les lois du pays et sanctionné par deux cents ans d’existence ? Son représentant, accouru pour partager le sort de ses compatriotes, ne fut-il pas compris avec eux dans la même mesure de rigueur, et n’était-ce pas là un autre acte qui devait appeler l’intervention du gouvernement anglais ?

Indépendamment des devoirs contractés par celui qui donne l’hospitalité, n’est-il pas aussi un droit naturel qui protège l’étranger jusque sous le toit d’un ennemi ? Et si ce sentiment si puissant dans le reste de l’Asie n’a pas encore pénétré en Chine, on peut dire aux Chinois : Vous nous avez reçus chez vous, vous nous avez promis, vous nous devez protection et justice, tant que nous sommes sur la terre chinoise. Si vous ne voulez pas de nous, renvoyez-nous, mais il vous est défendu de nous opprimer. — Ici les Chinois font une objection assez raisonnable ; ils répondent : — Nous vous avons admis chez nous et nous devons vous protéger, cela est vrai ; mais, en revanche, si nos lois vous protégent, nos lois doivent aussi vous punir. Or, vous refusez de vous soumettre à notre législation, vous nous dites que nos lois sont barbares, et si quelqu’un des vôtres commet un crime, même aux dépens d’un Chinois, vous vous empressez de le soustraire à l’action de nos tribunaux. Souffririez-vous qu’une nation étrangère en agit ainsi chez vous ? Si vous réclamez la protection de nos lois, sachez d’abord les respecter.

Mais il y a des raisons plus puissantes que tout ce que je viens de dire et qui peuvent peut-être, sinon justifier la guerre de l’Angleterre contre la Chine, du moins en faire comprendre la nature et la portée. D’abord on conviendra que la force des choses a, plus que tous les calculs possibles, amené la situation présente. Que des projets ultérieurs soient nés des évènemens, que des espérances s’y soient rattachées, je ne le nie pas ; mais l’Angleterre a cédé avant tout à cette force irrésistible, à cette espèce de reflux qui pousse l’Occident en Orient, elle a été un instrument entre les mains de la Providence, qui, certes, n’en pouvait choisir un plus puissant pour l’accomplissement de cette immense œuvre de civilisation ; car je ne retournerai pas la question, je ne dirai pas que le résultat de cette grande commotion doit être fatal à l’Angleterre, et que, triomphante partout, sa puissance viendra se briser