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de l’administration ou de la judicature, mais en ayant soin qu’ils y fussent toujours en très grande minorité et ne pussent exercer aucune influence. Il y eut, spécialement dans les pays catholiques de l’ouest, comme une invasion d’employés protestans, presque toujours natifs des anciennes provinces prussiennes, lesquels vinrent occuper toutes les places, grandes et petites, comme si les catholiques rhénans et westphaliens n’eussent pu présenter au gouvernement aucune garantie de capacité et de fidélité. Les choses se passèrent dans l’armée comme dans l’administration. Les cinq douzièmes des soldats étaient catholiques, mais les grades d’officier-général et de colonel furent exclusivement attribués aux coreligionnaires du roi[1] ; on n’accordait aux catholiques que quelques emplois d’officiers inférieurs, et il était rare qu’on en vît un élevé au grade de capitaine et surtout à celui de major, qui paraissait être l’extrême limite de leur avancement possible. Indépendamment de ces faveurs accordées aux uns au détriment des autres, et qui étaient comme une prime offerte à l’apostasie, d’autres moyens furent employés pour faire pénétrer partout l’esprit protestant et prussien, ce qu’on semblait considérer comme une seule et même chose. Cela se vit surtout dans l’organisation de l’instruction publique : sur six universités que possède la monarchie prussienne, quatre furent exclusivement protestantes, celles de Berlin, de Kœnigsberg, de Halle et de Greifswald. Il n’y eut pas d’université purement catholique, mais seulement deux universités mixtes, celles de Bonn et de Breslau ; encore la majorité des professeurs et le commissaire royal furent-ils toujours pris parmi les protestans. Elles eurent, il est vrai, à côté de la faculté de théologie protestante une faculté de théologie catholique ; mais les membres de cette faculté se trouvèrent par le fait bien plus dépendans du gouvernement que de l’autorité ecclésiastique, et les choses furent arrangées de manière à ce que le haut enseignement religieux pût être soustrait presque entièrement au contrôle des évêques. Quant aux gymnases et aux écoles élémentaires, le ministère de l’instruction publique en eut la direction exclusive, et nous avons déjà dit que tous les

  1. Ce fait ayant été articulé avec beaucoup d’autres du même genre dans une brochure qui fit du bruit en Allemagne, il y a peu d’années, un apologiste du gouvernement prussien ne put citer à l’encontre que les noms de trois officiers-généraux catholiques. Il est vrai qu’il oublia d’ajouter que tous trois étaient morts depuis assez long-temps, et occupaient déjà des postes élevés dans l’armée prussienne à l’époque de la guerre de 1813, par conséquent avant l’incorporation des provinces rhénanes à la monarchie.