Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/674

Cette page a été validée par deux contributeurs.
664
REVUE DES DEUX MONDES.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

les étrangers à exporter, en monnaie étrangère, trois dixièmes de la valeur du chargement importé, ne fût pas applicable à la réalisation de l’opium, qui devrait être échangé seulement contre des marchandises ; elles recommandèrent encore de ne pas prohiber l’usage de l’opium parmi le peuple, mais de punir sévèrement tous les employés du gouvernement, civils ou militaires, qui contracteraient une habitude aussi infâme.

En regard du mémoire de Hen Nactse, je voudrais pouvoir mettre tout entier sous vos yeux un document précieux par les idées souvent lumineuses qu’il contient. Ce document, publié avec plusieurs autres par l’habile rédacteur du Canton Register, est une réfutation, faite également en 1836, du mémoire de Hen Nactse, par Choo-tsun, membre du conseil et du département des cérémonies religieuses. Le travail de Choo-tsun, bien supérieur à celui de Hen Nactse, mérite d’être examiné plus longuement. Je ne serais pas surpris, quelles que dussent être les conséquences de cette décision, que le gouvernement chinois eût adopté les vues de Choo-tsun, de préférence à celles des autres conseillers.

« On a prétendu, dit Choo-tsun, que la sévérité des lois contre l’opium sert d’encouragement à des gens sans aveu et à des vagabonds qui en profitent pour réaliser de grands bénéfices. N’est-il donc pas connu que, lorsque le gouvernement fait une loi, il y aura nécessairement infraction à cette loi ? Et parce que les lois deviennent quelquefois moins actives et moins efficaces, est-ce une raison pour que les lois soient annulées ? Doit-on cesser de manger, parce que la gorge éprouve une douleur passagère ? Est-ce que la prostitution, le jeu, la trahison, le vol, et d’autres infractions à la loi, n’ont pas souvent servi à des vagabonds de moyens pour s’enrichir ? Combien d’exemples n’en avons-nous pas sous les yeux ! Quand le crime est découvert, le châtiment suit de près ; mais soutiendra-t-on que, puisque la loi n’a pu le prévenir, cette loi doit être abrogée ? Les lois qui défendent au peuple de faire le mal sont comme les digues opposées à l’inondation. Si quelqu’un prétendait que les digues sont vieilles et de peu de service, faudrait-il les renverser ? »

Plus loin il ajoute :

« On voudrait soumettre l’importation de l’opium aux mêmes lois que l’importation des autres articles, et en astreindre l’introduction à un échange de marchandises. Mais n’avons-nous pas chassé les vendeurs d’opium des eaux intérieures de la rivière, et, après les avoir chassés, les rappellerons-nous et les inviterons-nous à revenir ? Ce serait alors vraiment qu’on dérogerait à la dignité de l’empire. »

Choo-tsun traite avec détail la question de savoir si la culture du pavot doit être encouragée en Chine. Il prétend que ce serait une grave faute, que le pavot demande les terrains les plus riches et les plus fertiles, et il fait sentir les fatales conséquences qui résulteraient pour l’agriculture d’un pareil encouragement donné à l’introduction d’une plante pernicieuse. Il représente la population s’affaiblissant chaque jour davantage sous l’influence de l’opium,