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ÉTUDES SUR L’ALLEMAGNE.

avoir quelque chose de plus à désirer, tant il semblait que la satisfaction donnée au sentiment de nationalité dût faire taire tout autre intérêt.

Le roi de Prusse, en prenant possession des provinces rhénanes, s’efforça de rassurer les habitans sur les inquiétudes qu’aurait pu leur faire concevoir la différence de religion entre eux et leur nouveau souverain. « Je respecterai, leur dit-il, je protégerai votre religion, le trésor le plus sacré de l’homme. Les membres des deux églises chrétiennes jouiront des mêmes droits civils et politiques. » Ces promesses étaient peut-être sincères lorsqu’elles furent faites, mais il n’en est pas moins vrai qu’elles ne furent pas tenues, et que toute la conduite du gouvernement prussien ne tarda pas à laisser voir un projet arrêté de détruire peu à peu le catholicisme, non par des attaques directes et violentes, mais par la ruse et les moyens détournés. Deux causes principales le jetèrent dans cette voie : d’une part, le caractère personnel de Frédéric-Guillaume III, homme juste et modéré quand la religion n’était pas en jeu, mais protestant fanatique et animé de la passion de faire des prosélytes ; d’autre part, le désir de l’administration d’établir à tout prix l’unité dans la monarchie, et la persuasion où étaient les gouvernans que les habitans des nouvelles provinces ne pouvaient devenir de bons et vrais Prussiens que quand ils cessaient d’être catholiques. On voulait en outre mettre une barrière de plus entre eux et la France, suivant l’idée exprimée dans ces paroles de M. Ancillon : « Ce ne sont pas les garnisons des villes de guerre, ce ne sont pas les forteresses fédérales qui nous protégeront contre la France, mais seulement le mur d’airain du protestantisme. » Il serait trop long de raconter en détail tout ce que fit le gouvernement prussien pour propager les idées protestantes et établir partout la prépondérance de la religion favorisée. Quelques faits pris parmi beaucoup d’autres semblables suffiront pour montrer combien peu la balance fut tenue égale entre les deux confessions. La parité de droits, promise aux catholiques, resta dans le domaine de la théorie, et la religion du monarque fut considérée dans la pratique comme la religion de l’état et comme une condition indispensable pour toutes les fonctions un peu importantes. Ainsi pas un catholique ne fut admis dans la maison du roi et dans les charges de cour, pas un dans les hauts emplois administratifs, tels que ceux de ministre, de chef de division ou de section, de conseiller d’état, de président de province, de régence ou même de district ; à peine en plaça-t-on quelques-uns dans les emplois subalternes