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et irrésistible du libéralisme pratique que rien ne peut plus comprimer. On le retrouve jusqu’en Orient, détruisant en Égypte l’aristocratie des mameluks, appelant à la liberté les populations chrétiennes, et ne laissant à l’héritier de Mahomet II d’autre moyen de sauver son trône que la reconnaissance de cette grande loi de l’égalité humaine que l’islamisme a si long-temps blasphémée.

Sous cette forme paisible et majestueuse, la propagande n’a rien que de légitime. Ce n’est plus, comme la guerre, l’attaque aux nationalités, c’est au contraire leur réveil et leur expansion. Ce n’est plus, comme la révolte, la provocation au désordre, c’est l’union de l’ordre et de la paix avec la régénération sociale. Sur quelques points, comme en Espagne et en Suisse, l’esprit nouveau procède encore par secousses ; mais ce sont là peut-être les derniers retentissemens de l’orage qui a troublé le monde pendant un demi-siècle. Partout ailleurs, les peuples semblent préférer aux luttes intestines, moyens extrêmes et chanceux, le travail plus long, mais plus sûr, d’une transformation progressive. Le mouvement n’en est pas moins général et continu. L’Italie, qui paraît immobile, y participe comme les autres, et nous venons de voir combien il est actif dans le royaume de Naples. Le temps des combats est-il tout-à-fait passé ? Je n’ose le croire. Il y a encore dans le monde trop d’anomalies, la marque de la force est trop vivement empreinte sur la face des états pour qu’il soit possible d’espérer que tout s’arrange à l’amiable. Il n’en est que plus précieux de voir la bonne cause s’épurer, s’étendre dans la paix, acquérir tous les jours plus de puissance, et gagner, par les moyens de conciliation et d’harmonie, tout ce qu’elle peut gagner.


Léonce de Lavergne.