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simple de ses institutions, parce qu’elles renferment tous les germes de progrès. Il ne s’agit plus que d’en tirer une à une toutes leurs conséquences, d’introduire dans l’administration le même esprit de libéralisme éclairé qui a présidé à la législation, de corriger les habitudes d’arbitraire et de vénalité qu’une trop longue impunité a données aux fonctionnaires inférieurs, d’amener dans la pratique la même netteté que la loi a établie dans la division des pouvoirs, de faire sortir enfin de la société nouvelle tout ce qu’elle renferme pour l’amélioration physique et morale des populations. Ces bienfaits seront l’œuvre infaillible du temps. L’affranchissement commercial, et, s’il le faut aussi, l’affranchissement politique, viendront à leur tour.

Reste la Sicile. La Sicile est attachée aux états de terre ferme sans s’être encore réunie de fait. Tout ce que je viens de dire de l’un des deux pays n’est pas vrai de l’autre au même degré. Non-seulement leur histoire n’est pas la même, et leur situation actuelle est très différente, mais une vieille inimitié nationale les sépare. Cette division amènera-t-elle un jour une rupture, ou le royaume des Deux-Siciles finira-t-il par acquérir l’unité qui lui manque ? C’est ce qui est encore douteux. Il y a là un problème géographique que le passé n’a jamais pu résoudre, et qui ne paraît pas s’éclaircir pour l’avenir. Même quand il était subjugué par des maîtres étrangers, le royaume de Naples a toujours tendu à absorber la Sicile, et la Sicile a toujours tendu à lui échapper. Pour moi, je ne connais rien de plus respectable au monde que l’esprit de nationalité ; et sous ce rapport je ne puis condamner les prétentions de la Sicile à l’indépendance. Nulle part peut-être autant que dans la forme d’une île, la Providence n’a écrit en caractères visibles le droit qui appartient à toute nation de ne relever que d’elle-même. Si donc il arrivait quelque jour qu’un cri d’indépendance retentît à Palerme, je ne crois pas qu’il fût légitime de l’étouffer, d’autant plus que, dans l’état actuel des choses, la Sicile, toujours frémissante, est beaucoup plus, pour le roi de Naples, une cause de faiblesse qu’une cause de force.

Ceci posé, je dois dire que les plaintes de la Sicile contre le gouvernement napolitain ne me paraissent pas fondées sous d’autres points de vue. La Sicile souffre sans doute, mais ce n’est pas Naples qui en est la cause. Le mal est plus ancien et plus invétéré. Elle compare son sort à celui de l’Irlande sous la domination anglaise ; ce rapprochement n’est pas juste. Le gouvernement napolitain fait au contraire ce qu’il peut pour améliorer sa condition. Elle ne paie qu’un quart