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est inévitable. Or, le commerce extérieur d’un pays fait partie essentielle de sa richesse générale, et partout où cet intérêt est en souffrance, le progrès intérieur en est ralenti. C’est une pensée séduisante que celle de s’isoler, de se mettre en état de n’avoir besoin de personne ; mais cette pensée n’est ni vraiment politique, ni d’une bonne économie. D’abord, elle n’est pas complètement réalisable, et quelle que soit l’énormité des droits dont le gouvernement napolitain a grevé les produits étrangers, il ne peut affranchir entièrement de leur concurrence les produits indigènes. L’importation continue malgré les entraves dont on l’accable, et quand les tarifs sont exagérés, la prime à la contrebande devient si forte, que le commerce interlope se substitue en grande partie au commerce régulier. Ensuite, quels que soient l’encouragement que donne à certaines industries la protection dont elles sont couvertes et l’accroissement qui en résulte pour ces branches de la production nationale, cet accroissement ne peut être comparé à la perte qu’éprouvent d’autres industries plus naturelles, plus abondantes, dont les produits sont repoussés à leur tour par l’étranger. Enfin, la classe la plus nombreuse, la plus intéressante, celle des consommateurs, est particulièrement sacrifiée, surtout quand il arrive, comme dans le royaume de Naples, que les industries privilégiées n’occupent tout au plus qu’un vingtième de la population.

Le royaume de Naples n’est pas un pays naturellement manufacturier ; sa véritable richesse est agricole. Les céréales, les huiles, les soies, les laines, les cotons, les fruits, voilà les produits que le gouvernement doit s’attacher à multiplier, à perfectionner. La moitié des terres environ du royaume de Naples est cultivée aujourd’hui, on peut évaluer à la moitié de ce qui reste ce qui peut encore être livré à la culture. Si les efforts combinés de l’administration, des capitalistes et des travailleurs, pouvaient parvenir à tirer parti de cette plaine immense de la Pouille, appelée le Tavoliere, où le roi Alphonse d’Aragon a introduit, il y a quatre siècles, le régime meurtrier de la mesta aragonaise, ce serait un résultat infiniment plus précieux que l’établissement de quelques fabriques qui n’ont rien de véritablement national, puisque les chefs sont des spéculateurs anglais ou français, et qui ne fournissent que des produits médiocres. Et ce n’est pas seulement par l’acquisition de nouveaux terrains que l’agriculture napolitaine peut accroître ses revenus, c’est encore par l’application de meilleurs procédés à ses exploitations actuelles. Un seul article, celui des cotons, pourrait devenir pour elle une source intarissable de