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LE ROYAUME DE NAPLES.

ritimes. Tant que le royaume de Naples n’aura pas une marine, il ne sera rien, quelle que soit la force de son armée de terre. On sait quelle est la situation de sa capitale, au fond d’une baie ouverte où le premier venu peut pénétrer pour menacer la ville et le palais. Le reste de son territoire n’est pas mieux défendu que la capitale contre une agression de ce genre ; la forme étroite et allongée de la double presqu’île dont il se compose, toujours sans parler de la Sicile, fait qu’il offre un grand développement de côtes sur la mer la plus facile du monde. L’art n’a pris aucune mesure pour remédier à cet inconvénient de la nature ; partout il suffit de quelques vaisseaux pour débarquer des troupes sans être inquiété, pour enlever à volonté les petits bâtimens caboteurs et même les habitans des côtes dans leurs propres maisons, pour interrompre les communications des provinces avec la capitale, et jeter dans tout le pays le trouble et la terreur.

Les exemples de pareilles attaques abondent dans l’histoire de Naples. Ses rois ont été forcés plusieurs fois de souscrire à des conditions dictées sous le canon par un ennemi maître de la mer. Tout récemment encore, n’a-t-on pas vu le roi actuel forcé de céder, malgré tout son courage, devant une insolente bravade de l’Angleterre ? Un tel exemple ne suffit-il pas pour lui montrer de quel côté il doit se protéger avant tout ? Voilà soixante ans que Filangieri, avec un sentiment parfaitement juste de la nature des choses, développait cette opinion que le royaume de Naples devait avoir peu de troupes de terre, et une marine aussi forte que possible. On ne comprend pas qu’une idée aussi sage soit restée sans application. La situation générale de l’Europe est aujourd’hui un nouvel argument en faveur de l’opinion de Filangieri. De plus en plus, la mer paraît devoir être le champ de bataille où s’agiteront les destinées futures de l’humanité, comme elle est le libre théâtre où se déploie sur la plus grande échelle l’activité de la paix. Placé entre l’Orient et l’Occident, au milieu de cette Méditerranée qui attire les regards du monde, le royaume de Naples peut être appelé à tout moment à jouer un grand rôle, s’il possède une marine. Ce ne sont pas les deux ou trois bâtimens que j’ai vus dormir désarmés dans le port de Naples, qui le mettront en état de saisir l’occasion.

Un tel abandon est d’autant plus étrange que la marine militaire napolitaine, pendant les courts momens où elle a essayé d’être, n’a pas été sans gloire. Le brave et malheureux amiral François Caracciolo était un marin aussi habile qu’intrépide. L’histoire n’a pas oublié non plus la belle action de ce capitaine napolitain qui, avec deux faibles