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LE ROYAUME DE NAPLES.

monde sait combien il a été de tout temps difficile de toucher à ce domaine temporel du saint-siége, que défend la chrétienté tout entière. Quant aux désordres intérieurs, aux soulèvemens populaires, tout annonce qu’ils ne sont plus à craindre ; c’est d’ailleurs beaucoup que quarante ou cinquante mille hommes pour faire respecter l’autorité dans un pays aussi peu étendu. Avec ses huit mille hommes de gendarmerie, et quelques régimens de ligne, le gouvernement pourrait assurer le maintien de la tranquillité dans les Calabres, en Sicile et dans la capitale : il épargnerait ainsi près de la moitié de ce que lui coûte aujourd’hui l’armée, et qu’on peut évaluer à trente millions de francs environ. C’est donc une douzaine de millions, ou le dixième au moins du budget, qui pourraient rester libres pour d’autres services.

On conçoit que le Piémont, par exemple, fasse de grands sacrifices pour entretenir un état militaire puissant et respectable. Le Piémont est placé entre la France et l’Autriche, à l’entrée de l’Italie. Tout le désigne pour devenir un champ de bataille, de quelque côté que viennent les évènements. Il a beaucoup à gagner et beaucoup à perdre dans une guerre générale. Quel que soit le parti qu’il embrasse, il est à l’avant-garde, soit de l’Autriche contre la France, soit de la France contre l’Autriche, soit de l’Italie contre l’Autriche ou la France. Il peut espérer de gagner, dans une conflagration européenne, le royaume Lombardo-Vénitien ou quelques-uns des petits duchés qui le bornent au sud ; il peut craindre de perdre la Savoie, le comté de Nice, et même son existence comme nation indépendante. Le royaume de Naples ne peut concevoir ni d’aussi hautes espérances ni d’aussi grandes craintes ; il n’est sur le chemin de personne, et il ne dépend pas de lui, comme du Piémont, d’allumer quand il le voudra la guerre universelle. Encore s’il y avait une confédération italienne bien organisée, il pourrait espérer d’exercer d’autant plus d’influence dans les conseils de la confédération qu’il serait mieux armé ; mais cela même n’existe pas, et le roi de Naples n’est pas moins isolé, moins dépourvu d’action, avec cette belle armée que sans elle.

Ferdinand II est un prince généreux et fier, qui se montre extrêmement jaloux de l’indépendance de sa couronne. Il n’est pas de sentiment plus honorable et plus digne d’un roi ; peut-être cependant ne prend-il pas les plus sûrs moyens. Le jeune roi se souvient de l’occupation autrichienne, et il veut éviter le retour d’une pareille sujétion : il a raison. Dans la possibilité d’évènements qui mettraient en