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vator Rosa ; mais le premier a un caractère plus espagnol qu’italien, et ce qu’il doit à l’Italie, il l’a emprunté à un Romain, Michel-Ange de Caravage ; quant au second, sa manière est tellement à part, que beaucoup de connaisseurs doutent encore que sa renommée soit bien légitime, tant il a substitué la fantaisie à l’étude de la nature. Dans aucun de ces deux artistes, il n’y a rien de proprement napolitain, rien qui puisse révéler à Naples l’existence d’une véritable école rivale des écoles florentine, romaine, vénitienne, etc. L’originalité dans les arts n’est pas un don accordé au hasard ; il faut, pour la créer, des circonstances particulières et qui ne se sont jamais rencontrées à Naples ; il faut une situation nouvelle de l’esprit humain, une idée-mère qui se dégage des faits généraux de la société, et dont un peuple soit dans le monde le représentant spécial. Un pays ne peut produire des artistes originaux qu’à la condition qu’il soit puissant et actif sous d’autres rapports : c’est la loi, loi mystérieuse, mais certaine, et dont les preuves sont nombreuses. Jusqu’ici la nationalité même a presque toujours manqué à Naples ; cette nationalité n’a qu’un siècle de durée ; un jour viendra peut-être où elle fournira à ses artistes quelque chose d’original à exprimer.

Il semble d’ailleurs que tout son effort depuis sa renaissance se soit concentré sur un autre art, la musique. Les jours les plus néfastes de la période sanglante des révolutions ont été ceux où le théâtre royal de San Carlo a jeté le plus d’éclat. Aujourd’hui, le théâtre italien de Paris et de Londres s’est enrichi des débris de cette troupe incomparable, et il n’en est resté à peu près rien à Naples. Sous ce seul rapport, il y a décadence. Peut-être le roi actuel y a-t-il contribué par les habitudes d’ordre et de simplicité qu’il a introduites dans sa cour. Le goût effréné pour le plaisir, le faste et le désordre, était plus favorable au luxe des représentations théâtrales, je le reconnais sans peine. Cependant la décadence avait commencé même avant son avénement, et il y aurait injustice à la lui attribuer tout entière. San Carlo a subi la loi commune, qui veut qu’on ne puisse pas être à la fois et avoir été. La concurrence des deux premières capitales de l’Europe lui a été mortelle. Qui sait même si le siècle qui finit n’a pas été, pour la musique, une de ces époques d’expansion complète qui épuisent un art pour long-temps et veulent après elles des périodes de silence et de repos ? Je serais tenté de croire que Ferdinand II a raison de ne pas chercher à renouveler les merveilles d’un autre temps. Les choses ne se recommencent pas. Si la musique a quelque jour un nouveau progrès à faire, la patrie de Pergolèse, de