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LE ROYAUME DE NAPLES.

le titre d’Annales civiles, rédigée aux frais de l’état, et destinée à discuter et à développer les améliorations administratives. À côté de cette publication, en quelque sorte officielle, paraît une revue rédigée par une société libre, et qui a pris ce titre significatif : le Progrès. Là sont exprimées des doctrines, économiques et autres, qui étonnent quelquefois par la franche indépendance de leur allure, et qui ont, à plusieurs reprises, provoqué les censures des journaux absolutistes du reste de l’Italie. Il est aussi une liberté qui s’est fait jour au travers de toutes les restrictions, et qu’il serait désormais bien difficile de réduire : c’est la liberté de la conversation. Cette liberté est entière à Naples, qu’elle soit le produit inévitable de la force des choses ou le fruit de la tolérance du roi ; tout le monde en use largement, car le Napolitain a l’esprit frondeur. C’est même là un des traits de la physionomie locale qui frappent le plus quand on vient de Rome, par exemple, et qui montrent qu’on entre dans un autre monde, dans un monde que l’esprit français anime, et dont la société moderne a pris possession.

Il serait injuste de croire que la culture de l’esprit soit négligée à Naples. D’abord l’instruction publique y est aussi bien organisée qu’en France. L’université de Naples a cinq facultés, les mêmes que les nôtres, dont les cours sont suivis par quinze cents étudians, et qui confèrent les mêmes grades ; après l’université viennent cinq lycées et douze colléges royaux répartis entre les provinces, qui distribuent l’instruction secondaire à deux degrés ; quarante-deux écoles de troisième ordre donnent ce qu’on a appelé en France l’enseignement primaire supérieur, et il est de principe qu’il y ait par commune au moins une école primaire proprement dite. Les établissemens particuliers sont plus facilement autorisés qu’en France. Les jésuites, qui avaient été expulsés par Charles III, sont rentrés et ont élevé plusieurs maisons d’éducation. Le clergé n’a pas envahi pour cela l’enseignement, et, quoique le président du conseil royal de l’instruction publique soit habituellement un ecclésiastique, le gouvernement n’en a pas moins conservé la haute main sur la direction des études. Il est vrai que le pouvoir absolu simplifie bien des choses. Quoi qu’il en soit, grace à cette multiplicité de moyens, l’instruction se généralise dans le royaume, le peuple surtout sort de son ignorance héréditaire, et il y paraît au même signe qu’en France, c’est-à-dire au nombre des jeunes gens nés des classes inférieures qui aspirent à entrer dans les carrières libérales.

Ensuite il s’en faut bien que les hommes studieux et distingués