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galités de l’ancienne cour ont cessé, voilà ce qui est vrai ; l’argent n’en est que plus abondant pour les dépenses utiles. Les proscriptions ont cessé en même temps. Vieux serviteurs de la monarchie légitime et anciens défenseurs des différens essais révolutionnaires vivent ensemble sous la même protection. Le roi a fait plus au mois d’août dernier, il a appelé dans son conseil deux nouveaux ministres, MM. Nicolini et Fortunato, qui ont rempli tous deux des fonctions publiques sous le roi Murat, et, ce qui est plus remarquable encore, M. Nicolini, qui était professeur de droit, ayant demandé à continuer son cours malgré son entrée au ministère, Ferdinand II y a consenti. M. Nicolini est un homme très respectable, très considéré, connu en Europe par des travaux estimés sur le droit pénal. Un pareil choix est significatif, surtout avec la concession qui lui sert de commentaire.

Je sais ce qu’on peut reprocher à cette suspension d’armes qui semble éteindre les anciens partis. La continuation de la lutte aurait développé des qualités périlleuses, mais fortes ; la paix repose sur un amollissement général des caractères et sur le sommeil des nobles passions. Le mal est réel ; il n’y a pas de bien dans le monde sans un mélange de mal. Un tel inconvénient était d’ailleurs à peu près inévitable. Les fiers caractères et les passions héroïques sont naturellement rares à Naples. Cette ville a produit de très grands citoyens, et parmi ceux de ses enfans qui sont morts victimes de leur amour pour la liberté, il en est qui ont montré dans les supplices une fermeté stoïque, supérieure peut-être à ce que l’antiquité eut jamais de plus admirable. Mais ce ne sont là que des exceptions. Il a toujours manqué à Naples cette masse commune de convictions et de courages qui peut seule servir de base à des institutions libres. Ce n’est pas en un jour qu’un peuple se relève de cet épuisement moral qui est le résultat d’un long esclavage. Le désarmement actuel n’a supprimé que ces protestations isolées de quelques ames d’élite, fort belles sans doute, mais inutiles ; on n’y perd que de glorieux martyrs. Bien plus, si quelque chose est propre à former un jour un esprit public vigoureux, c’est précisément cette propagation des mœurs et des vertus moyennes qui s’étend à l’ombre protectrice du pouvoir absolu, gagne au relâchement même des volontés en rapprochant de tous ce qui n’était que l’apanage brillant de quelques-uns, et substitue une nation à une multitude.

Aujourd’hui le royaume de Naples, en y comprenant la Sicile, est un état de 8 millions d’habitans, qui paie un budget d’environ