Page:Revue des Deux Mondes - 1842 - tome 29.djvu/595

Cette page a été validée par deux contributeurs.
585
LE ROYAUME DE NAPLES.

à l’excès qui tue le principe. Et ce qui est vrai des peuples méridionaux en général l’est surtout du peuple napolitain en particulier. Son défaut de cohésion et son amour du changement ont toujours été tels, qu’il n’a pas même su défendre à lui seul son indépendance nationale. Tout lui est venu de l’étranger, la liberté comme l’oppression.

Aussi tout le monde paraît-il d’accord aujourd’hui pour écarter ou du moins pour ajourner toute pensée immédiate d’affranchissement politique. Les journaux ont parlé, il y a quelque temps, d’une conspiration découverte à Aquila. Je ne sais quelle a pu être la portée de cette conspiration, mais j’ai peine à croire qu’elle ait eu de grandes ramifications dans la ville de Naples. Ce n’est pas que l’esprit de conjuration ne soit en quelque sorte endémique dans le pays. Depuis Pythagore, on a conspiré de tout temps à Naples, et, sans remonter aux temps primitifs, il suffit de rappeler que le carbonarisme est sorti de là pour se répandre en Europe. Quelle que soit cependant la disposition naturelle des Napolitains pour les affiliations et les machinations mystérieuses, je ne crois pas que ces sortes de trames soient parmi eux aussi en faveur qu’autrefois. On commence à comprendre, à Naples comme partout, que la société moderne, avec son goût pour la publicité, la discussion, l’autorité du nombre, est incompatible avec les complots. On sait que, si jamais la nation peut être appelée à prendre part à son gouvernement, c’est du progrès pacifique des idées et des intérêts qu’il faut attendre cette conquête, non d’un de ces coups de main audacieux qui n’ont presque jamais réussi et qui ne sont d’ailleurs que des moyens surannés, empruntés à un état social en déclin. Chacun donc, même parmi les hommes les plus dévoués à la cause de la liberté, se montre disposé à développer patiemment les germes de perfectionnement matériel et moral contenus dans la législation nouvelle, en se confiant pour le reste dans l’avenir.

De son côté, le roi s’applique à faire de son immense pouvoir le meilleur usage possible. Quand il a pris le gouvernement, la violence des persécutions politiques et le gaspillage des finances menaient droit à une nouvelle révolte et à la banqueroute. Il a amené avec lui la tolérance et l’économie, qui ont détourné ce double danger. Les courtisans vont jusqu’à le taxer d’avarice, parce qu’i s’attache à maintenir l’équilibre entre les recettes et les dépenses et à améliorer par tous les moyens le crédit public ; c’est là une accusation qui est bonne à entendre quand il s’agit d’un roi absolu. Les prodi-