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LE ROYAUME DE NAPLES.

famille de Bourbon l’a tiré en quelque sorte de la mort pour le ramener à la vie.

Quand la révolution française vint révéler les dangers que les idées nouvelles avaient pour les trônes, la reine de Naples, Marie-Caroline, sœur de notre malheureuse Marie-Antoinette, sentit plus vivement que personne le coup qui venait de frapper la royauté. Par l’influence de ses conseils, tout changea brusquement dans les états de son mari ; aux traditions de libéralisme laissées par Charles III succéda un despotisme ombrageux. Les idées nouvelles avaient eu le temps de jeter de profondes racines ; elles résistèrent, et une seconde lutte s’engagea, plus violente, plus passionnée que la première. On sait quelles ont été les péripéties de ce drame terrible qui a ensanglanté Naples pendant trente ans ; trois fois la révolution l’a emporté, en 1799, en 1805 et en 1820, tantôt par l’aide de la France, tantôt par ses propres forces, et a successivement fondé, sur le modèle de notre pays, une république, une monarchie à l’impériale et une monarchie constitutionnelle ; trois fois la royauté absolue a repris l’avantage, une première fois ramenée par les bandes calabraises du cardinal Ruffo, une seconde fois soutenue par les Anglais, et une troisième par les Autrichiens ; et, dans cette succession de combats et de catastrophes, ce beau royaume a payé peut-être plus qu’un autre le fatal tribut de sang et de larmes imposé à tous les peuples que travaille le génie des révolutions.

Mais si le royaume de Naples a vu toutes les horreurs qu’apportent d’ordinaire avec elles de pareilles crises, il en a retiré aussi presque tous les avantages qu’elles font payer si cher. La royauté a vaincu dans le gouvernement, la révolution a vaincu dans la société. Les efforts des patriotes napolitains n’ont pas été tout-à-fait perdus ; rien n’a survécu de l’ancien régime que le roi. La république a commencé par faire main-basse, à Naples comme en France, sur tout ce qui restait de l’organisation barbare du moyen-âge ; l’administration des rois Joseph et Joachim est venue ensuite régulariser, comme chez nous l’empire, cette transformation radicale du pays. Les fidéi-commis, qui immobilisaient la propriété territoriale, ont été supprimés ainsi que tous les priviléges de la noblesse ; les biens immenses du clergé ont été pour la plupart confisqués et vendus, pour éteindre la dette publique. Les terres féodales dont la propriété était incertaine et contestée ont été partagées entre la couronne, les seigneurs, les communes et les particuliers. Un système judiciaire, administratif et financier, calqué sur le nôtre, a remplacé le chaos informe des